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01 juin 2016

L’ISL : la recherche au contact

L’ISL, Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis, est l’acteur prépondérant - peu connu - de la S&T (Science & Technologie) spécifique aux besoins des forces terrestres. Ses travaux irriguent de plus en plus les développements de l’industrie. Rencontrez l’ISL à Eurosatory, Hall 5 – stand H122. 


Un institut pluridisciplinaire

L’armée de terre met volontiers en avant ses hommes, plus que son matériel. Néanmoins, à côté d’équipements rustiques, indispensables pour disposer d’un parc suffisant en nombre et répondre au meilleur coût à des besoins simples, elle a de plus en plus besoin de technologies. Les programmes de modernisation en cours, qui mettent en œuvre des innovations mûries il y a parfois des années, n’épuisent pas ce besoin.

Des travaux plus amont  sont indispensables. Le champ des recherches tirées par les besoins des forces terrestres est immense ! C’est la mission de l’ISL. Avec ses 400 personnes, l’ISL incarne, en plein accord avec la DGA, une recherche « au contact », en concertation étroite avec les opérationnels, avec un double objectif : mieux prévoir et contrôler les effets du feu en matière d’intensité et de localisation ; réduire encore la vulnérabilité des hommes, et du matériel. Le tout avec une réelle maîtrise des coûts.

En matière d’effet militaire, l’ISL  imagine des solutions de rupture pour des projectiles guidés tirés par tube, ainsi que les poudres et explosifs  qui leur sont nécessaires. L’ISL rend ces derniers plus sûrs pour les servants, vise à maîtriser leur vieillissement et substitue les composants actifs qui disparaissent du fait des réglementations européennes (en réalisant par exemple le premier détonateur « vert » sans plomb). L’ISL est également pionnier pour ces armes futures que pourraient être le canon électrique ou les lasers de forte puissance.

Sur le volet protection, la palette des travaux de l’ISL s’étend de la détection, localisation et identification des menaces par voie optique, acoustique ou physico-chimique, jusqu’à la protection du combattant et des véhicules (matériaux nouveaux, protection acoustique et physiologique du combattant, etc.), en passant par une expertise approfondie sur les IED.

Les nombreuses disciplines scientifiques nécessaires, co-localisées, bénéficiant de plateformes expérimentales et de simulation uniques, se renforcent l’une l’autre. Les travaux s’étendent de la recherche de base, très connectée à la recherche académique – l’ISL a 40 doctorants – jusqu’aux démonstrateurs, pour certains quasi-opérationnels. Ces innovations sont ensuite reprises par l’industrie de défense.

 

Le cœur des armes laser

Popularisées par la science-fiction, les armes laser tardent à apparaître sur le champ de bataille. Elles auraient pourtant de nombreux avantages, par exemple pour le « counter-RAM » ou la neutralisation de drones. Mais comparé aux « balles perdues » d’une arme classique, un faisceau laser peut créer des lésions irréversibles beaucoup plus loin de la cible visée, voire, par réflexion diffuse, sur les forces amies. Les longueurs d’onde dites « à sécurité « à sécurité oculaire », autour de 1,6 µm, permettent de réduire d’un facteur d’environ 6 les distances de danger collatéral. Les puissants lasers industriels, opérant en milieu confiné, ne sont pas à sécurité oculaire. Les démonstrateurs actuels d’arme laser utilisent tous des lasers industriels.

Pour rendre crédible l’emploi de ces armes futures, l’ISL est devenu leader mondial pour les lasers de forte puissance à sécurité oculaire. Il construit actuellement un démonstrateur de 30 kW, de conception sophistiquée mais de fabrication rustique et d’un volume réduit par rapport aux technologies concurrentes, des avantages déterminants sur le champ de bataille. De leur côté, les industriels ont montré que le faisceau pouvait être accroché et maintenu sur la cible jusqu’à sa destruction.

En complément des développements de sources, l’ISL est devenu la référence pour les travaux d’interaction laser-matière, c’est-à-dire la compréhension fine de l’effet terminal des lasers.

Parallèlement, l’ISL entretient une parité technologique avec les Américains sur le canon électrique, tandis qu’une étude technico-opérationnelle en cours explore l’implantation d’un canon électrique - dans un premier temps - dans une frégate future. Une technologie qui intéresse aussi le secteur terrestre.

 

La plus-value de l’ISL

Que les ingénieurs aient besoin de chercheurs dans le domaine des matériaux ou des lasers se conçoit aisément. Mais qu’attend-on de la recherche par exemple pour le développement d’une munition guidée ? Un obus classique de calibre 155 coûte de 500 à 1000 $. Un obus guidé EXCALIBUR ou une roquette de LRU coûtent près de 100.000 $, rendant leur emploi exceptionnel, au risque de réduire l’efficacité militaire et d’augmenter les risques de dommages collatéraux. L’ambition de l’ISL est de développer les innovations qui permettront de diviser ce coût par 10, avec des performances au moins égales.

Comment ? Par une approche transgressive qui est souvent à l’origine de ruptures technologiques. Considérer ces projectiles avec une approche aéronautique, plutôt que de munitionnaire, pour optimiser leur architecture aérodynamique. Employer des capteurs très bas coût, comme on en trouve dans les téléphones portables, et les durcir aux accélérations du coup de canon avec le savoir-faire de l’ISL. Compenser la médiocrité de leurs performances par une approche très novatrice en matière d’automatique. S’inspirer des antennes conformes phasées des radaristes pour protéger un capteur GPS civil du brouillage…

Ce chemin est long, ponctué de jalons validés par la DGA et observés avec intérêt par les industriels, qui utilisent parfois des résultats intermédiaires pour apporter à court terme des solutions partielles pour leurs produits. Les travaux de l’ISL sont d’ailleurs destinés pour une grande partie à la DGA, mais aussi de plus en plus directement aux industriels. A cet égard, l’ensemble des travaux de l’ISL est éligible au Crédit Impôt Recherche.

Où se cache la plus-value ISL dans les équipements de défense ? Les industriels ne l’évoquent que rarement. Tel cet industriel, qui commercialise avec beaucoup de succès sur de nombreux marchés de défense une technologie qu’il revendique pleinement sienne, mais qui entretient depuis plus de 10 ans un partenariat approfondi avec l’ISL sur ce sujet… Aujourd’hui, l’industrie utilise des matériaux énergétiques ISL, des solutions ISL de protection physiologique du combattant ou de détection de tir, et beaucoup d’autres innovations ISL.

 

Le périscope virtuel

En combat urbain, les snipers cachés sous une fenêtre sont une menace permanente. Pourquoi ne pas regarder discrètement par la fenêtre, mais de loin ? Un laser à sécurité oculaire est pointé à travers la fenêtre et les photons réfléchis par la scène en utilisant plafond et murs comme autant de miroirs sont collectés : la réalité est bien sûr plus complexe, puisque ces surfaces créent des réflexions diffuses, c’est-à-dire une multitude de rayons réfléchis, qui réduisent l’énergie lumineuse captée et compliquent l’analyse !

Des algorithmes puissants reconstruisent la propagation de la lumière à partir des photons recueillis, préalablement amplifiés. L’ISL utilise son savoir-faire accumulé en techniques innovantes d’imagerie, en particulier d’imagerie active, où il fait référence. In fine, une silhouette de ce qui est caché est restituée, avec son mouvement.

Déjà, un système démonstrateur illuminateur/caméra reconstitue le mouvement d’une figurine hors du champ de vue du système, en traitant les photons réfléchis par 3 réflexions. Il reste un long chemin entre cette recherche amont et une innovation transférable à l’industrie, mais l’ISL et ses partenaires universitaires se situent dans le peloton de tête mondial pour cette technologie.

 

La sentinelle experte

La protection de sites ou de zones mobilise de nombreux capteurs, qui renvoient un flux incessant de données, pour l’essentiel inutiles, vers un poste de contrôle. Si la détection et l’identification des évènements redoutés sont faites directement sur le capteur, les flux de données et la charge mentale du contrôleur sont allégés. 

L’ISL a développé un capteur abandonné, B-SAVED, qui, grâce à des séquences d’apprentissage intuitif et des classifieurs non linéaires sur puce implantés directement en aval du capteur, détecte et reconnaît par exemple un véhicule et ne transmet au PC que cette information de haut niveau. 

B-SAVED est déjà en service dans plusieurs unités opérationnelles. Ses concepteurs reçoivent le prix Ingénieur Général Chanson 2016 à l’occasion d’Eurosatory 2016. Cette technologie d’assistance à l’intelligence humaine est promise à de nombreuses utilisations de défense et civiles.

 

Au cœur de la préparation du futur des forces terrestres

Les forces terrestres recourent de manière croissante aux moyens ISTAR (Intelligence, Surveillance, Target Acquisition & Reconnaissance), aux SIC (Systèmes d’Information et de Commandement) voire à la cyber-défense.

Pour autant, la projection à distance d’une énergie de destruction maîtrisée, la protection vis-à-vis des sources adverses d’énergie de destruction et la maîtrise des coûts sont la réalité quotidienne des combats terrestres des conflits limités actuels. Ces enjeux sont au cœur des travaux de l’ISL. L’ISL représente par exemple près de la moitié des travaux de S&T financés par la DGA dans le domaine « armes & munitions ». L’ISL trace un sillon sur le long terme,  à la fois apprenant des dernières opérations extérieures, et conscient que ses innovations  seront utilisées dans 10 ou 20 ans dans des contextes renouvelés.

Les générations qui ont fait les coopérations franco-allemandes en matière d’armement des années 70 et 80 disparaissent, emportant avec elles toute une culture de travail en commun. L’ISL, Institut franco-allemand de Recherches de Saint-Louis, né il y a plus de 50 ans de la clairvoyance de ses concepteurs, est toujours là : il peut catalyser des coopérations nouvelles. Il vient d’ailleurs d’être chargé de l’étude technico-opérationnelle MGCS-CIFS (Main Ground Combat System – Common Indirect Fire System), visant à dessiner ce que pourrait être d’une part le système de combat terrestre futur prenant la suite des chars  Leclerc et Leopard 2, et d’autre part le système commun de feux indirects, prenant la suite des Caesar, LRU et PzH 2000. 

En bref, l’ISL est une passerelle unique entre le monde de la recherche et celui de la défense, pour aider l’industrie de défense européenne à concevoir les équipements répondant à des besoins essentiels des forces terrestres, des forces spéciales et de sécurité.

 

    
Christian de Villemagne, Directeur français de l’ISL
Après une longue expérience de coopération européenne, au sein de différents programmes d’armement et à Bruxelles à l’occasion de la création de l’Agence Européenne de Défense, Christian de Villemagne a dirigé un centre de la direction technique de la DGA. Il est actuellement Directeur français de l’ISL.
 

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