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Le combat collaboratif SCORPION revêt plusieurs aspects.
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01 juin 2016

La transition vers l’infovalorisation
Un enjeu majeur de la prochaine décennie

L’arrivée dans les prochaines années de SCORPION et d’une nouvelle génération de systèmes d’information et de communication marquera, pour l’armée de Terre, l’entrée dans l’ère de « l’infovalorisation », du partage de l’information entre l’ensemble des combattants. Quels sont les enjeux de ce défi majeur et comment se prépare-t-il ?


De nouveaux systèmes porteurs de profonds changements arriveront dans l’armée de Terre dans les prochaines années : à partir de 2019, le programme SCORPION permettra le renouvellement des équipements majeurs du groupement tactique interarmes (GTIA). L’engin blindé de reconnaissance et de combat et le véhicule blindé multi-rôle remplaceront les AMX10RC et une partie des véhicules de l’avant blindés (VAB) ; le char LECLERC sera rénové. En même temps, le déploiement du système d’information du combat SCORPION (SICS) et des radios CONTACT permettra de renouveler les principaux systèmes d’information et de communication (SIC) du niveau tactique. L’objectif est d’être en mesure de déployer en opérations un GTIA SCORPION dès 2021 et la première brigade interarmes SCORPION dès 2023.

 

Avec ces nouveaux systèmes, la numérisation des forces terrestres franchira une nouvelle étape. Le déploiement du SICS à tous les niveaux tactiques permettra une meilleure circulation des informations tactiques. Il apportera surtout de nouvelles capacités opérationnelles, au fur et à mesure de ses versions et du déploiement des radios CONTACT : « blue force tracking », combat collaboratif, réalité augmentée. Cette entrée dans l’ère de « l’infovalorisation », c’est-à-dire des nouvelles capacités apportées par le partage de l’information, du poste de commandement du GTIA jusqu’au combattant débarqué, induit une nouvelle façon d’envisager le combat interarmes et une évolution majeure de la préparation opérationnelle.

 

Ce changement profond a été initié, dès les années 2000, par de nombreuses études, notamment sur le concept de la Bulle Opérationnelle Aéroterrestre (BOA) qui visait à étudier le système de combat de contact futur de l’armée de Terre. Le programme d’études amont « Démonstrateur de la BOA » a permis à partir de 2005 de préparer le programme SCORPION en évaluant des concepts et technologies liées à l’infovalorisation.

 

Dans le cadre de SCORPION, la modernisation des systèmes d’armes et de commandement du GTIA génèrera des gains opérationnels majeurs et de nouveaux procédés de combat comme le combat collaboratif infovalorisé.
Le partage et le traitement pertinent de l’information représentent donc un enjeu fondamental pour le GTIA Scorpion.

 

Ce changement se prépare au plan technique, dans le cadre de la réalisation des opérations d’armement concernées.  Les essais de qualification puis les évaluations et expérimentations technico-opérationnelles auront pour enjeu majeur de vérifier les performances et les apports au plan tactique du système de systèmes constitué par les plates-formes SCORPION, SICS et les moyens radios. Il faudra en particulier valider les performances opérationnelles à l’échelle du GTIA. En parallèle de la préparation des essais de qualification par la DGA, l’armée de Terre met en place une organisation spécifique, la force d’expertise du combat SCORPION, pour appuyer cette transformation. Cette structure, qui sera pleinement opérationnelle dès 2019, conduira les évaluations technico-opérationnelles et les expérimentations tactiques des constituants puis du système de systèmes SCORPION, dès leur qualification, aux différents niveaux d’intégration : systèmes unitaires (véhicule, SICS), section, sous-GTIA puis GTIA SCORPION.

 

Ce changement se prépare également au plan organisationnel. L’armée de Terre fait de la force interarmes SCORPION un des piliers de sa nouvelle organisation « Au contact ». Structuré autour de deux divisions, créées à l’été 2016, qui couvrent le spectre « blindé lourd – médian – léger », ce corps de bataille interarmes représente la majeure partie de la force opérationnelle terrestre (FOT).

 

Les travaux d’élaboration de la doctrine d’emploi SCORPION ont commencé, notamment en simulation, avec un premier objectif de disposer d’une doctrine provisoire pour les expérimentations par la force d’expertise du combat SCORPION. L’impact de l’infovalorisation sur le combat interarmes concerne les modes d’action, l’organisation et le fonctionnement du GTIA, ainsi que la structure des postes de commandement. La préparation opérationnelle devra également évoluer ; elle bénéficiera pour cela de nouvelles capacités d’entraînement en simulation, avec le système de préparation opérationnelle SCORPION (qui inclura de la simulation embarquée dans les véhicules), et la modernisation des moyens des centres d’entraînement de Sissonne et Mailly.

  

La transition vers l’infovalorisation s’étalera sur de nombreuses années, au rythme de la livraison des nouveaux systèmes. Les parcs anciens coexisteront de façon durable au sein des unités avec les nouveaux systèmes. Par exemple, les véhicules SCORPION cohabiteront au-delà de 2025 avec les VAB et AMX10RCR dont les premiers exemplaires furent livrés vers 1980. Il faudra assurer le tuilage entre les matériels actuels et leurs remplaçants, en assurant le maintien en condition opérationnelle et la régénération des parcs en service. Il faudra surtout, pour généraliser au sein de la force opérationnelle terrestre le déploiement de SICS et de CONTACT, en équiper les parcs existants et destinés à durer. C’est-à-dire mettre à hauteur les moyens radios et informatiques de milliers d’engins.

 

L’enjeu principal sera de maintenir, sur la durée de ce déploiement progressif, l’interopérabilité entre les unités équipées des nouveaux systèmes et celles qui ne le seront pas encore, afin de préserver la capacité à constituer et déployer des forces interarmes.

 

Les interfaces entre les systèmes d’information et de communication, nouveaux et anciens, équipant la FOT devront pour cela être maîtrisées. L’expérimentation technico-opérationnelle des SIC constituant le cœur de la fédération Terre, prévue en 2019, constitue un premier jalon majeur vers l’atteinte de cet objectif.

 

Il faut également définir la stratégie de migration vers l’architecture SIC du GTIA et de la brigade interarmes SCORPION à terminaison. Organiser le remplacement progressif des radios tactiques actuelles par CONTACT, en conservant le bon fonctionnement des chaînes de commandement et de coordination au sein de la force interarmes, y compris avec les appuis (artillerie, hélicoptères…), est au cœur de cette problématique. Cette stratégie de migration prendra en compte les contraintes d’interopérabilité, le rythme d’évolution technique des systèmes et de livraison des nouveaux équipements, mais aussi les contraintes organisationnelles : la gestion des parcs et de leur mise à hauteur, la structure et l’équipement des unités, ainsi que le cycle de formation et d’entraînement à l’utilisation des nouveaux systèmes en préalable à toute projection opérationnelle.

 

En synthèse, la transition vers l’infovalorisation est un défi majeur de la prochaine décennie pour l’armée de Terre et la DGA. La réussir nécessite d’en coordonner tous les aspects : ceux relatifs aux programmes (aspects techniques, calendaires et financiers, interfaces) et ceux du domaine organisationnel (gestion des équipements, doctrine, formation, entraînement…). Pour relever ce défi, une coordination de l’ensemble des parties prenantes - organismes de l’armée de Terre, unités de management concernées de la DGA, état-major des armées - a été mise en place.

 

    
François-Olivier Dal, IGA, Adjoint au sous-chef plans programmes de l’Etat-major de l’armée de Terre
François-Olivier Dal (X86 – ENSAE) a commencé sa carrière dans les missiles tactiques, puis le renseignement d’origine électromagnétique et les systèmes d’information. En 2006 il est nommé directeur de programme FREMM. En 2010, il rejoint le SSF Toulon comme directeur adjoint. En 2013, il est nommé sous-directeur des méthodes et du management des projets à la DGA/DP. Il a rejoint l’EMAT en mars 2015.
 

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