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VBCI instrumenté avec des HUMS
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01 juin 2016

De la maintenance curative à la maintenance prévisionnelle
Des dispositifs de surveillance intégrés : les hums

L'armée de Terre est toujours soumise à plus d'opérations, intérieures et extérieures, souvent dans des conditions sévères, ceci dans un contexte de tension budgétaire. Cet état de fait impose donc des moyens humains, matériels et financiers contraints. Pour maintenir la capacité opérationnelle des unités, la maintenance curative ou préventive est nécessaire, mais plus suffisante : il faut innover. La capacité à anticiper, optimiser et espacer les actes de maintenance est l'une des plus sérieuses pistes étudiées. Pour répondre à cet objectif, l'ETO Prophète1 vise à démontrer la pertinence des HUMS issue du monde civil appliquée à la maintenance prévisionnelle.


Contexte et enjeux

En vue de se préparer au système Scorpion en 2025, mais aussi pour répondre à ses nombreux engagements (Barkhane, Sentinelle, ...), l'armée de Terre a initié en 2015 un vaste plan de transformation de la maintenance, « MCO2 2025 », organisé autour de deux piliers : la maintenance opérationnelle (MO) qui répare, et la maintenance industrielle (MI) qui régénère. Au travers des stratégies d'acquisition du soutien (SAS), le service SMCO de la DGA, l’EMAT et la SIMMT déterminent les stratégies les plus pertinentes et innovantes pour le soutien logistique intégré (SLI) et le MCO des nouveaux équipements de l'armée de Terre, au regard du ratio efficacité / coût (global). Parmi les innovations étudiées, les HUMS - déjà utilisés dans le monde civil -  apparaissent comme une piste prometteuse pour :

  • permettre le suivi au plus juste des potentiels ;
  • optimiser et anticiper la maintenance ;
  • améliorer la disponibilité technique opérationnelle (DTO) ;
  • élargir les contributions à la préparation opérationnelle.

Bien que disponible, cette technologie n’est pas directement applicable aux forces armées en raison des contraintes opérationnelles. L'ETO Prophète a vocation à évaluer la faisabilité et les impacts de cette technologie et à proposer la feuille de route idoine pour l’intégrer dans l’outil militaire.

Les HUMS, qu’est-ce au juste ?

Les HUMS désignent des capteurs - dispositifs permettant de suivre en temps réel ou différé l’état de santé, de performance et de potentiel d’un système. Ces capteurs ont commencé à être déployés au début des années 1990, et leur origine est souvent présentée comme étant due au crash d’un hélicoptère Chinook le 6 novembre 1986 en mer du Nord. Un défaut de maintenance ayant conduit à une panne de rotor, le constructeur a proposé d’installer un capteur de suivi du rotor afin de réaliser les opérations de maintenance préventives. Ce principe a progressivement été étendu au domaine aéronautique, puis terrestre dans les années 2000.

L'ETO Prophète

Cette étude, lancée en 2014, doit évaluer l'intérêt des HUMS selon trois axes d'application : maintenance, emploi (optimisation de l'emploi de la flotte en fonction de la disponibilité prévisionnelle, informations aux forces sur les limites d'usage, etc.), et spécification des systèmes de la génération suivante.

L'étude concerne l'applicabilité de l’exploitation des HUMS principalement à des fins de maintenance prévisionnelle (MP). Cette étude confrontant visions théorique et expérimentale doit permettre de :

  • déterminer dans quelles mesures et à quelles conditions la MP peut ainsi contribuer à réduire le coût de soutien ;
  • améliorer le Retex sur l'emploi des véhicules terrestres en opération ;
  • envisager leur conception et leur maintenance au juste besoin ;
  • évaluer l'apport des HUMS sur les opérations de maintenance, l'emploi et la conception des futurs véhicules ;
  • estimer le bilan financier entre la réduction du coût induite par l'exploitation des HUMS au regard des coûts générés par leur acquisition, leur installation et leur exploitation ;
  • identifier les conditions de retour sur investissement.

Après une phase théorique, l’ETO conduit actuellement une expérimentation basée sur l’instrumentation de 4 véhicules (VBCI, PVP, AMX 10 RCR et VAB TOP) dans des parcs d'entraînement. Les premiers résultats récemment obtenus permettent d’étalonner le dispositif d’expérimentation.

Ils ouvrent aussi la voie vers l’identification fine d’organes ou de fonctions préférentiels à instrumenter. Cette expérimentation cible entre autres la qualité de l’huile du moteur, le niveau des batteries et les chocs tourelle des véhicules cités.

Les perspectives au-delà de l'ETO Prophète

Via l’acquisition d’une meilleure connaissance de l'état des matériels, les HUMS participent à l'optimisation de la MP et autorisent :

  • une gestion plus fine des stocks, notamment de rechanges ;
  • une meilleure utilisation des ressources en moyens (gestion des parcs, pour l’OPEX notamment) et en personnels ;
  • et donc une optimisation du coût de soutien.

La MP a pour but d’agir sur l’élément défaillant au plus près de sa période de dysfonctionnement. Cela permet de réduire le nombre de pannes tout en espaçant la fréquence des interventions préventives.

 

La suite de l’ETO Prophète laisse entrevoir des actions concrètes :

  • dans un premier temps, l’appropriation de cette technologie par les forces et son intégration dans l’organisation de la maintenance doivent faire l’objet d’une attention particulière. Cela justifierait une expérimentation sur un micro-parc de VBCI (cf. schéma ci-dessous). Les conditions de sa mise en place sont actuellement à l’étude notamment chez les industriels ;
  • à moyen terme, l’intégration d’un premier niveau de maintenance à base de HUMS pourrait être réalisée dans l’environnement Scorpion. L’opération VBMR pourrait être ciblée.

Expérimentation sur une unité VBCI (image : source Renault Truck Defense)

Pour ce programme, la maintenance étant forfaitaire, la pertinence d’implémenter des capteurs HUMS est laissée à l’appréciation de l’industriel dans une optique de réduction des coûts. Ces données ont vocation à alimenter SIM@T et plus globalement, tout système d’informations permettant à la SIMMT et aux industriels de préparer et d’optimiser leurs plans de maintenances.

Une autre possibilité serait de prendre en compte, dès la contractualisation, une baisse des coûts de soutien contre un financement du développement de la MP.

Quoi qu’il en soit, la mise en œuvre de la MP offre l’opportunité de prendre du recul sur les traditionnels modes contractuels pour s’orienter vers un portage plus innovant.

Le Griffon

L’ETO Prophète produit des résultats intéressants et montre toute la potentialité de la MP à base de HUMS, en vue d’améliorer la DTO et de mieux planifier les opérations de maintenance au juste besoin.

Prometteuse, l’ETO se poursuit en 2016. Cette technologie HUMS innovante – notamment par son association avec les SIL - devrait apporter des réponses aux enjeux de maintenance face à la multiplication des opérations. Sa mise en œuvre constitue donc un investissement pour l’avenir. Elle rentre d’une part, dans le champ de la conception réglée qui repose sur l’optimisation i.e. le retour sur investissement et la rentabilité (pas forcément en termes financiers) et d’autre part, dans celui de l’innovation de concept sans obligatoirement s’appuyer sur de nouvelles technologies, les HUMS ayant désormais acquis une TRL acceptable au regard des utilisations effectuées.

Les préoccupations liées à toute innovation, comme la maîtrise et la propriété des données et de l'information, la SSI (éviter que les HUMS puissent être vecteurs de vulnérabilités), le dimensionnement des flux de données, etc., seront analysées dans le cadre des étapes complémentaires.

 

1) PROPHETE = étude pour l’évaluation expérimentale des techniques HUMS (Health & Usage Monitoring System) pour la maintenance des véhicules terrestres

2) MCO : maintien en condition opérationnelle

 

 

    
Walter Arnaud, ICA, Chef du département SMCO/ SYTER
Diplômé de l’ENSIETA, et docteur en traitement du signal, l’ICA Arnaud a servi à DGA/MI, à l’état-major des armées, et à l’ambassade de France en Irak. Il est actuellement chef du département « systèmes terrestres » au sein du service du maintien en condition opérationnel (SMCO) de la DGA.

avec le concours de :
Christophe Grandemange, ICA
Marc Jaylet, Colonel
Nicolas Massieu, ICT
Loïc Boué, Colonel
Patrice Janvier, Colonel
Philippe Dagail, ICETA
 

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