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Une localisation possible hors couverture GPS
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16 avril 2015

SPIN-OFF DU LRBA À L’ORIGINE DE LA NAVIGATION MAGNÉTO-INERTIELLE

En proposant des équipements de géolocalisation en environnement GPs-denied pour un coût 50 fois inférieur à une centrale de navigation classique à performances équivalentes et embarquables sur des applications légères, sysnav a imposé en 5 ans sa technologie comme la référence de la navigation et du positionnement de précision sans GPs à base de capteurs bas coût. depuis 2014, la jeune Pme de haute technologie commercialise en propre ses solutions pour la navigation en conditions extrêmes des véhicules et des piétons avec un plan de croissance ambitieux. 


La diffusion des récepteurs GPS a ouvert un domaine dont le GPS seul n’arrive plus à satisfaire les exigences

L’introduction large du GPS auprès des consommateurs à partir des années 2000 a profondément modifié les habitudes des usagers mais aussi de l’industrie. La donnée de localisation dont la connaissance s’inscrit dans une logique plus large d’accès à l’information est devenue stratégique dans de nombreux domaines, en particulier pour la Défense. Pourtant, le GPS civil ou militaire présente de nombreuses limitations. Si le secteur de la défense les a très rapidement prises en compte dans la conception de ses systèmes critiques les plus coûteux avec l’emploi systématique de centrales inertielles de haute performance, notamment pour la dissuasion, de nombreuses applications civiles ou militaires sont encore aujourd’hui dépendantes de solutions de localisation dont la disponibilité et l’intégrité font défaut.

Le GPS s’avère en effet très vulnérable aux pertes de signaux qui apparaissent en zone couverte ou obstruée, notamment en intérieur, et l’une de ses caractéristiques est sans doute sa très grande fragilité au brouillage et au leurrage, intrinsèquement due à son principe de fonctionnement avec des satellites émettant un signal de très faible puissance à des distances très importantes. Alors qu’hier l’acquisition d’un brouilleur de GPS était difficilement accessible, aujourd’hui il suffit d’utiliser les mots clés « brouillage » ou « leurrage » pour se voir proposer en libre accès sur les sites internets marchands nombre de modèles de brouilleurs de GPS ou de systèmes de leurrage entre dix euros pour les plus simples destinés à se brancher sur un allume-cigare et plusieurs milliers d’euros pour les plus évolués qui sont d’ailleurs issus de l’industrie militaire. Si leur usage est interdit dans la plupart des pays, leur acquisition est particulièrement aisée et leur usage assez largement répandu, notamment chez les criminels, dans plusieurs zones géographiques.

Le GPS a répondu à un besoin mais en a créé un autre lié à l’utilisation de systèmes de localisation robustes, dont la disponibilité et l’intégrité peuvent être assurés. Il a instauré l’idée que la localisation était une donnée clé pour de nombreuses applications, mais il n’a pas permis d’aller au bout de cette logique dans de nombreux environnements où il est inopérant ou peu résilient. La principale faiblesse des récepteurs GPS à ce titre est sans doute l’impossibilité de s’appuyer sur un indice de précision fiable : il arrive couramment notamment en ville que le récepteur associe à une position donnée un intervalle de confiance de quelques mètres alors qu’en réalité la localisation fournie est distante de plusieurs dizaines de mètres du point réel.

Les besoins ne cessent ainsi pas de grandir pour des systèmes professionnels fiables: localisation précise hors zone de couverture satellitaire, dans des milieux contraints ou brouillés comme la gestion de flotte pour des applications critiques (aéroports, milieu minier), le pilotage automatique des robots dans les usines ou les ports et tout le champ de la navigation ultra-précise dans des zones restreintes d’espace, notamment pour les applications médicales.

La navigation inertielle, une histoire de gyroscopes

La navigation inertielle de haute précision telle que nous la connaissons repose sur une chaîne complexe mais aujourd’hui maîtrisée par les grands industriels français du domaine. Elle s’appuie sur l’utilisation dans des algorithmes connus de capteurs de très haute performance, coûteux, dont l’utilisation s’apparente autant à de la métrologie qu’à de l’électronique. Le principe en est schématiquement assez simple, il s’agit à partir d’une position de départ parfaitement connue, après une phase d’initialisation permettant de connaître l’attitude initiale (direction de la verticale locale et du nord géographique), de maintenir grâce aux gyroscopes virtuellement ou physiquement la connaissance de la direction verticale de manière à intégrer deux fois selon l’axe perpendiculaire les données des accéléromètres.

Ce mécanisme conduit très schématiquement à nouveau à avoir une erreur sur la position en cube du temps par rapport au biais du gyroscope et en carré du temps par rapport au biais des accéléromètres. On comprend dès lors l’enjeu lié à la performance des capteurs, aujourd’hui environ 1 milliard de fois plus précis que les capteurs inertiels utilisés dans nos smartphones.

On divise ainsi les capteurs inertiels en trois catégories focalisées sur la performance du gyromètres qui est le composant critique, ceux qui permettent de faire de la navigation au sens où il est possible de calculer avec une précision acceptable sur plusieurs heures une vitesse puis une position dont le coût dépasse la centaine de milliers d’euros (capteurs de navigation), ceux qui permettent uniquement de trouver le nord grâce à la mesure précise de la rotation terrestre (capteurs gyro-compassants) dont le coût est plus proche de quelques dizaines de milliers d’euros et enfin ceux qui ne peuvent permettre que de maintenir une direction connue à l’avance dont le prix varie de quelques centimes à quelques milliers d’euros.

Ceci conduit à conclure qu’il est impossible de naviguer avec des capteurs inertiels qui n’appartiennent pas à la catégorie la plus chère, ce qui est parfaitement exact.

La navigation magnéto-inertielle, principe et applications

La navigation magnéto-inertielle a été inventée au LRBA en 2007 dans le cadre de travaux de recherche en lien avec MINES-ParisTech. Les travaux que l’auteur a menés avec Alain Martin, expert navigation à MI, et qui ont suivi cette découverte ont été il y a plus de 6 ans maintenant à l’origine de la création de Sysnav.

Le principe sous-jacent à cette technologie consiste à exploiter d’une manière totalement nouvelle les variations locales du champ magnétique mesurées au niveau de l’équipement pour en déduire une information de vitesse. De manière assez visuelle, si l’on considère un ensemble de trois petites boussoles espacées de quelques centimètres au creux de sa main, ces trois petites boussoles vont indiquer dans un batiment trois directions différentes de nord. Cette différence de mesure, qui a longtemps été considérée comme une perturbation qu’il fallait rejeter pour accéder à l’information de nord magnétique, traduit l’existence de variations spatiales du champ dues à l’infrastructure métallique des bâtiments.

Au lieu d’essayer de réduire cette perturbation, les experts de Sysnav se sont attachés à la mesurer le plus précisément possible. Ceci pour accéder à un objet mathématique qui caractérise les pentes de la déformation locale du champ. Grâce à cette mesure locale des pentes du champ et à la mesure de sa variation globale, considérée comme la valeur mesurée au centre du dispositif, il est possible de calculer une vitesse en 3D dans le repère du dispositif de mesure.

Une nouvelle chaîne de mesure apparaît ainsi dans laquelle l’information de vitesse magnétique acquise dans le repère du dispositif peut être utilisée pour connaître l’accélération spécifique du boitier et améliorer notablement la précision de son orientation, ce qui permettra au final de positionner la vitesse obtenue en 3D dans la bonne direction par rapport au repère terrestre classiquement utilisé.

Cette méthode nécessite une mise en œuvre particulière et une calibration très fine des magnétomètres qui permet aujourd’hui de mesurer en absolu 1/10.000 du champ terrestre (ce qui représente à titre de comparaison 0,1mrad d’erreur en cap en champ libre) au sein d’un dispositif aujourd’hui plan grâce à l’exploitation des équations de Maxwell de l’électromagnétisme qui a permis de réduire la dimension de l’espace des paramètres à mesurer.

Cette méthode intervient en rupture par rapport à l’utilisation traditionnelle des capteurs inertiels et magnétiques. Grâce au principe teurs magnétiques et inertiels de la même technologie que ceux qui sont présents dans nos smartphones de naviguer pour un piéton en intérieur par exemple, comme il pourrait le faire avec beaucoup de difficultés en portant une centrale inertielle de navigation à 300k€ de 30kg pour 40cm de coté sans son alimentation et en acceptant un temps non négligeable d’initialisation à point fixe immobile.

Les applications sont multiples et concernent la plupart des besoins pour lesquels le prix est une donnée d’entrée significative. Aujourd’hui la technologie a été développée dans deux directions principales, celle d’une utilisation sur des véhicules à roue d’une part et pour des piétons d’autre part.

La technologie véhicule destinée à une utilisation gouvernementale est notamment mise en œuvre dans des systèmes de Red Force Tracking au profit des agences de sécurité nationales, seule alternative connue à l’utilisation en forte croissance de système bas coût de brouillage. Elle a été à ce titre commercialisée aujourd’hui dans une dizaine de pays. Une version militarisée d’un équipement de Blue Force Tracking embarquant la technologie permet pour quelques milliers d’euros, un coût très inférieur aux solutions classiques du marché couplant odomètre de roue et capteurs inertiels de la gamme tactique, de localiser un véhicule avec une précision équivalente.

Dans sa version civile, elle est aujourd’hui en expérimentation dans les domaines du ferroviaire, du métro, du portuaire, de l’aéroportuaire, du transport de valeur ou encore de la logistique et du minier. L’automatisation des véhicules dans ces différents domaines (les AGV pour Automated Ground Vehicle), encore émergente aujourd’hui avec un marché en train de se structurer constitue une direction prometteuse pour l’avenir. La technologie piéton, fonctionnant sans infrastructure et donc sans déploiement préalable, a été conçue pour permettre une utilisation aisée par les forces d’intervention. Dans ce cadre, elle se présente comme une solution sans équivalent pour les forces spéciales mais aussi pour la localisation dans le futur du fantassin, des forces du Ministère de l’Intérieur ou des pompiers. 

Dans sa version civile, elle est aujourd’hui mise en œuvre dans le cadre d’expérimentation autour des questions de maintenance ou de sécurité dans les du nucléaire, du ferroviaire, du transport, dans des usines notamment chimiques et dans différents environnements industriels. Elle représente une clé pour le développement d’applications de réalité augmentée pour lesquelles elle permet de s’affranchir des limitations liées à l’utilisation de caméras d’intensité ou de profondeur. Pour autant sa première application industrielle est médicale avec un partenariat structurant depuis 2010 avec le département d’études cliniques de l’Hopital la Pitié Salpétrière. Elle permet en effet d’estimer très précisément les mouvements d’un membre et donc de calculer avec une précision inégalée différentes variables caractéristiques de l’état d’un patient, permettant ainsi de réduire significativement le coût des études de phase trois relative à l’efficacité d’un traitement.

L’émergence et le développement de la technologie magnéto-inertielle

Sysnav, à l’origine de cette technologie dont elle est propriétaire a acquis une avance technique et un savoir faire considérable reconnus dans le monde entier protégés par un portefeuille d’une quinzaine de brevets sur le sujet. Les premiers équipements et systèmes ont été commercialisés en propre par Sysnav en 2014, ces premiers systèmes fonctionnaient sur le principe de boîtes noires de type avion dont les données étaient exploitées en temps différé. En 2015 apparaissent les versions temps réel de ces systèmes avec les interfaces utilisateur adaptées. On peut remercier la DGA pour avoir accompagné une première fois le développement de cette technologie au travers d’un RAPID qui a permis d’établir en amont une preuve de concept de son application pour le piéton.

Dans un autre domaine, Sysnav a réalisé pour Parrot le système de navigation de l’ARdrone, premier drone capable de vols automatiques hors couverture GPS.

Elle a aussi une reconnaissance d’intérêt de la part du domaine médical, particulièrement exigeant s’il en est, et prépare une certification ISO13485 en 2015.

Elle continue d’investir lourdement sur les deux volets de cette technologie, à savoir une chaîne de mesure particulière immatérielle (le « magnétique ») et des algorithmes de calcul de haute précision, pour conserver durablement cette avance.

Pour Sysnav qui a vu sa technologie naître au sein du centre d’expertise de la défense spécialisé dans le domaine de la navigation et qui prépare en 2015 une certification EN9100 militaire, quelle plus belle reconnaissance que celle de voir un jour ses équipements embarqués pour servir la Défense française en équipant tous les véhicules ou les piétons là où avant on faisait du 1 sur 4?  

 

    
David Vissière
David Vissière mène en parallèle de son poste d’expert navigation à la DGA un doctorat en Mathématiques aux Mines de Paris pour lequel il obtient le prix de la meilleure thèse ParisTech 2009. En 2010, il est élu « Ingénieur de l’année » par le magazine L’Usine Nouvelle et Industries et Technologies. En 2014, la revue technologique du MIT l’a élu parmi les 10 innovateurs français les plus impactants pour les 10 prochaines années.
 

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