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01 octobre 2021

ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES

Il existe de nombreuses sciences et de nombreux types de “savants”. On a probablement un peu trop tendance à assimiler savants et chercheurs académiques, ce qui explique peut-être la mode des “sachants”...


Qu’est-ce qu’une société savante?

Pour les sociétés savantes, je pense qu’il faut une définition très large et celle du Comité des travaux historiques et scientifiques (CTHS), organe qui centralise l’information sur les sociétés savantes, fait autorité : “ensemble des sociétés savantes, des associations de recherche, d’étude, de connaissance dans toutes les disciplines (histoire, archéologie, géographie, littérature, sciences de la terre et de la vie, sciences dites « dures », ethnologie, sociologie ...)”

Il existe toute une palette de types de sociétés savantes : selon leur statut, public ou association, selon la sélection de leurs membres, par élection ou par adhésion, selon leur vocation internationale, nationale ou locale, selon la nature de leurs membres, certaines étant limitées à des personnes physiques alors que d’autres accueillent des personnes physiques et des personnes morales, selon la limitation ou non de leur effectif, selon leur vocation plutôt générale ou plutôt sectorielle, et l’on peut certainement trouver d’autres critères. En particulier, il n’y a pas de séparation nette entre associations professionnelles et sociétés savantes.

Les sociétés savantes et les IA

D’après les témoignages que nous avons recueillis, les IA sont plutôt du côté des sciences dures, mais pas exclusivement. On observe une différentiation croissante entre des académies de chercheurs et celles ouvertes à des compétences plus variées. Par exemple, il n’y a plus d’IA à l’Académie des sciences alors qu’il y en a eu régulièrement dans le passé. Il faut reconnaître que la DGA a dû gérer des programmes de plus en plus complexes avec des effectifs en diminution, ce qui tend à accentuer le phénomène. Le temps des “ingénieurs - savants” des 18e et 19e siècles est passé. Si les programmes sont complexes, c’est que les systèmes ou systèmes de systèmes nécessaires pour satisfaire les besoins des armées le sont eux-mêmes, et la complexité tend à augmenter. C’est un phénomène général qui n’est pas limité au domaine militaire. Les IA, au-delà des instructions et documents normatifs qui encadrent cette activité centrale, ont acquis une expérience et un savoir-faire démontrés par les succès de la plupart des programmes. Ils sont ainsi placés au premier rang des maîtres d’ouvrages de systèmes complexes, là où la complexité doit être gérée dans sa globalité et où il ne suffit pas d’appliquer des recettes.

Il ne semble pas qu’il y ait en France une société savante stricto sensu sur le créneau des programmes complexes, ce qui est regrettable si l’on veut relever les défis du monde moderne. Mais il existe une association professionnelle, l’Association française d’ingénierie système, affiliée à une association internationale, l’INCOSE, qui traite d’ingénierie “système” au sens large, y compris les systèmes de systèmes ; plusieurs IA en font partie et un article les présente. Doit-on la considérer comme une société savante ?

Pour la présentation du magazine, un classement selon un critère net a paru peu signifiant. On a présenté en premier les sociétés savantes à vocation plutôt générale en évitant de les séparer de celles plus spécialisées qui s’intéressent au même milieu. Nous avons créé une rubrique à part pour des questions scientifiques ou des portraits de savants et une autre pour des points de vue sur les sociétés savantes dans un contexte plus global.

Un sujet beaucoup abordé : le temps

On le trouve dans plusieurs articles, dont certains lui sont exclusivement consacrés. Ce n’est pas étonnant si l’on y réfléchit : sa connaissance précise est nécessaire dans beaucoup de systèmes et pour beaucoup de mesures et sa “production” fait appel à des technologies très pointues. Beaucoup ne sont pas conscients que sans temps précis nos systèmes de communication modernes ne fonctionneraient plus, nos applications de navigation non plus, et bien d’autres utilisations en pâtiraient. Le temps est très lié à l’espace, car la précision requiert de multiples transferts de temps dépendant des distances, et les précisions actuelles sont obtenues dans le cadre de la relativité générale qui est fondée sur la notion d’espace-temps. La société savante la plus versée dans ce domaine est le Bureau des longitudes décrit dans l’un des articles.

On n’a jamais eu autant besoin de sociétés savantes

De nombreux défis se présentent à nos sociétés, dont ceux de la “maîtrise” du climat, de la transition énergétique, de l’expansion et de la complexification des réseaux informatiques et de communication, des conflits de types nouveaux dans des espaces stratégiques en évolution, de la réindustrialisation, etc. Tous ces domaines font appel à des outils de plus en plus complexes où les nouvelles technologies de l’information et de la communication sont omniprésentes. On trouve dans de nombreux articles le souhait de voir les sociétés savantes mieux utilisées pour faciliter les réflexions en commun et pour faire circuler l’information dans toutes les directions, entre disciplines différentes, notamment, pour des approches plus globales, vers le public et les politiques, et aussi dans la chaîne de valeur depuis la recherche amont jusqu’au produit commercialisable.

Dans cette perspective, il serait probablement utile que les IA soient plus investis dans les cercles de réflexion, voire en suscitent de nouveaux, en particulier sur tout ce qui touche aux interactions systémiques entre domaines variés, notamment ce que l’on nomme “systèmes de systèmes”, qui sont au coeur du métier de beaucoup d’entre eux.  

Vous avez dit : « systèmes complexes » ?

Les systèmes complexes sont caractérisés par de nombreuses interactions entre systèmes ou sous-systèmes, que l’on peut qualifier de systémiques. Par exemple un système comme le SCCOA, qui a été qualifié par certains de premier “système de systèmes” des armées, met en relation/interaction la surveillance aérienne militaire (dont le système de l’Armée de terre - MARTHA), le contrôle des aéronefs, la préparation de mission, la gestion de l’espace aérien, la gestion des forces, la gestion logistique, sans oublier la gestion des systèmes eux-mêmes, le tout en liaison automatisée avec l’OTAN, les systèmes civils intervenant dans l’espace aérien, les AWACS et les systèmes de combat de la Marine. Dans un autre registre, la conception d’un  sous-marin, en particulier de sa discrétion, nécessite une approche globale des interactions entre mécanique des structures, hydraulique des écoulements extérieurs, hydraulique des écoulements intérieurs, acoustique des structures, acoustique sous-marine, équipements “vie” (qui font aussi du bruit), devis de poids, centrage, stabilité dynamique, ...

 

 

   
Yves Desnoës
Yves Desnoës, a mené une double carrière, consacrée pour moitié à l’environnement marin, notamment au SHOM, dont il a été directeur, et pour moitié aux systèmes d’information. Il a été le fondateur du programme SCCOA - Système de commandement et de conduite des opérations aériennes dès 1986. Il est membre correspondant du Bureau des longitudes et ancien président de l’Académie de Marine.
 

Auteur

Yves Desnoës, a mené une double carrière, consacrée pour moitié à l’environnement marin, notamment au SHOM, dont il a été directeur, et pour moitié aux systèmes d’information. Il a été le fondateur du programme SCCOA - Système de commandement et de conduite des opérations aériennes dès 1986. Il est membre correspondant du Bureau des longitudes et ancien président de l’Académie de Marine. Voir les 9 autres publications de l'auteur

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