Retour au numéro
François Guizot, historien, politique, fondateur en 1834 de ce qui deviendra le CTHS, peint par Jean-Georges Vibert
Vue 73 fois
01 octobre 2021

GUIZOT ET LES SOCIETES SAVANTES

L’Académie des jeux floraux, instituée à Toulouse par sept troubadours en 1323 pour maintenir le lyrisme courtois et promouvoir la poésie et la littérature, est la plus ancienne compagnie de savoir en France. Appelée aussi « Compagnie du Gai Savoir », elle avait pour but de regrouper les savants de la province toulousaine. Elle fut reconnue comme société savante par Louis XIV en 1694. En 1635, la volonté de réunir l’élite littéraire de la France avait conduit à créer l’Académie française.


La « France savante »

Un nombre considérable de sociétés savantes se sont créées. Elles ont établi à travers le territoire un maillage d’activités d’études, d’échanges et de partage de connaissances.

Les membres de ces sociétés, parcourant leur région, la France, voire le monde, ont noté leurs observations, analysé les livres et les archives, et ont présenté et partagé avec d’autres savants ces résultats diffusés dans des revues.

Depuis quatre siècles, des réseaux de bénévoles créent et transmettent des connaissances, de la découverte de l’univers par l’astronomie, à celle du monde et de notre Terre par la géographie ou la géologie, à celle de la nature par l’herborisation ou l’observation des insectes et des animaux, à celle de l’homme, de ses cultures et de son patrimoine par la recherche historique, les fouilles archéologiques, les arts et traditions populaires, les enquêtes ethnographiques ou linguistiques.

Ce peuple de savants était réduit aux spécialistes des disciplines concernées. La nécessité de diffuser largement toutes ces connaissances devenait une nécessité absolue.

L’histoire des sociétés savantes

Elle comprend deux grandes périodes.

La première commence vers la fin du XVIe siècle. Des réunions d’érudits, cercles de lettrés, assemblées savantes, sont organisées et reconnues progressivement par l’Etat : l’académie française (1635), l’académie des sciences (1666), l’académie de peinture (1648), l’académie de musique (1669), l’académie d’Architecture (1671). Vers la fin du XVIIe siècle, apparaissent en province des structures privées de sociabilité savante : l’Académie d’Arles (1669), de Soissons (1674), de Nîmes (1682), etc. De nouvelles académies d’Etat apparaissent au XVIIIe siècle : l’Académie royale de chirurgie (1731), la Société royale de médecine (1778), l’Académie de Marine (1752 modifiée en 1769). Toutes ces institutions disparaissent dans la tourmente révolutionnaire lorsque la Convention adopte sur l’initiative de l’abbé Grégoire, le 8 août 1793, une loi portant « suppression de toutes les Académies et sociétés littéraires patentées ou dotées par la Nation ».

La seconde période commence avec la fin de la Convention. La sociabilité savante renaît grâce à la nouvelle Constitution dite « directoriale » du 5 fructidor an III (22 août 1795) qui reconnaît aux citoyens « le droit de former des établissements particuliers d’éducation et d’instruction, ainsi que des sociétés libres pour concourir au progrès des sciences, des lettres et des arts ».

A la place de l’« académies royales  » de l’Ancien régime, la Convention de 1795 crée un nouveau cadre institutionnel, l’Institut de France, qui regroupe cinq académies : l’Académie française, l’Académie des inscriptions et Belles-Lettres, l’Académie des sciences (toutes trois fondées sous l’Ancien Régime), l’Académie des Beaux-Arts (qui regroupe les académies d’Ancien Régime : l’académie de peinture - 1648, l’académie de musique - 1669, et l’académie d’architecture - 1671), et enfin l’académie des sciences morales et politiques (fondée par la Convention puis supprimée et rétablie par Guizot en 1832).

Le réseau des anciennes académies provinciales, qui affichaient pour la plupart d’entre elles une vocation encyclopédique et voulaient aborder tous les champs du savoir, se reconstitue.

Le XIXe siècle et l’action de Guizot

Les premières décennies du XIXe siècle sont marquées par un « besoin d’histoire ». Il naît évidemment de l’épopée napoléonienne et de la nostalgie qui l’accompagne après la chute de l’Empire, et aussi de l’effervescence intellectuelle accompagnant le régime de la Monarchie de juillet et la paix enfin revenue qui permet le développement de l’instruction.

En 1832, François Guizot (1787 – 1874) entre au Gouvernement comme ministre de l’Instruction publique, et devient l’un des hommes politiques les plus influents en France. C’est un passionné d’histoire, au point qu’il est considéré comme le plus grand historien de sa génération. En 1823, pendant la Restauration, il avait déjà été à l’initiative d’une « Collection des mémoires relatifs à l’histoire de France ». L’accès à un poste ministériel sous Louis-Philippe lui permet de développer cette entreprise.

Il crée, en 1830, la fonction d’inspecteur général des monuments historiques, dont la tâche est de « parcourir successivement tous les départements de la France, s’assurer sur les lieux de l’importance historique ou du mérite d’art des monuments et recueillir tous les renseignements qui s’y rapportent. » Prosper Mérimée est nommé à ce poste en 1834.

Depuis 1833, Guizot avait pris conscience que les sources de l’histoire de France se trouvaient dans les archives des départements, des communes, ou des grands corps d’Etat. C’était donc à l’Etat d’en assurer la collecte et de les publier pour en rendre l’accès possible au plus grand nombre des chercheurs. Le 18 juillet 1834, un arrêté ministériel établit la création d’un Comité de l’histoire de France chargé de diriger la recherche et la publication de tous les documents inédits antérieurs à la Révolution. 

En 1837, Narcisse de Salvandy, nommé ministre de l’Instruction publique, membre de l’Académie française, reprit le programme de Guizot en reliant le Comité à l’Institut. Après de multiples modifications ce comité deviendra le 5 mars 1881, sur décision de Jules Ferry, le Comité des travaux historiques et scientifiques (CTHS), appellation qu’il a gardée jusqu’à nos jours.

Le CTHS aujourd’hui

Après plusieurs évolutions d’organisation, les statuts du CTHS sont fixés en 1956. Le recrutement de nouveaux membres provinciaux imposa de décentraliser l’action du Comité et de retrouver un lien plus fort avec les sociétés savantes ainsi qu’avec les universités. Six sections et une commission centrale sont alors créées :

-  section de philologie et d’histoire jusqu’en 1715 ;

-  section d’archéologie ;

-  section des sciences ;

-  section de géographie ;

-  section des sciences économiques et sociales ;

-  section d’histoire moderne et contemporaine.

De nouveaux statuts publiés en 1983 augmentent le nombre de sections en créant :

-  la section d’histoire des sciences et des techniques ;

-  la commission de protohistoire et de préhistoire ;

-  la commission d’anthropologie et d’ethnologie françaises.

Le CTHS est aujourd’hui rattaché à l’École nationale des chartes. C’est un organisme unique dans le paysage de la recherche française. Il est à la tête d’un réseau composé de plus de trois mille sociétés savantes avec lesquelles il échange à l’occasion de son Congrès annuel. Il fédère des scientifiques membres de prestigieuses institutions, des érudits locaux ainsi que de jeunes chercheurs et joue ainsi un rôle fondamental dans la construction et la transmission des savoirs.

Le CTHS favorise le développement des associations historiques et scientifiques à travers le territoire national et coordonne leurs actions. Aujourd’hui, elles réunissent plus de sept cent mille membres. Accessible en ligne depuis 2005, le Comité entretient un annuaire dans lequel sont recensées toutes les coordonnées de chaque association avec leurs publications récentes. Le CTHS conduit avec les associations savantes des projets de recherche numérique :

-  une base de données sur les savants français, dictionnaire prosopographique des membres des associations savantes ;

-  le Dictionnaire topographique de la France qui vise à rassembler les noms de lieux anciens et modernes, retraçant la géographie historique des éléments qui composent un département.

Enfin, le CTHS est un des éditeurs scientifiques les plus anciens. Ses ouvrages constituent une bibliothèque de référence principalement en sciences humaines avec près de mille cinq cents titres au catalogue et de nombreuses nouveautés chaque année.

Auteur

Daniel Jouan a effectué sa carrière à la DGA, d’abord dans des fonctions techniques au profit des programmes de dissuasion nucléaire (MSBS et Pluton), ensuite dans le suivi de l’activité industrielle de l’armement, et a quitté le service en 2005 après avoir été chargé de la gestion financière des études et recherches de défense. Voir les 13 autres publications de l'auteur

Articles liés par des tags

Commentaires

Aucun commentaire

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire. Connectez-vous.