

AÉRONAUTIQUE DE DÉFENSE
UNE ACCÉLÉRATION SOUS FORTES CONTRAINTES
Les acteurs industriels de premier rang de la filière aéronautique française sont les plateformistes Airbus, Dassault Aviation et Ariane Group et les grands équipementiers Safran et Thales. Ces grandes entreprises et leurs filiales ont la capacité de concevoir et de produire les équipements nécessaires aux forces armées (avions d’armes, hélicoptères, satellites, lanceurs…). Ils structurent autour d’eux un tissu d’entreprises sous-traitantes de toutes tailles, majoritairement des PME, très souvent duales et dont l’activité civile est généralement prépondérante. Dans cette filière sont également incluses les entreprises de l’industrie spatiale qui sont difficilement dissociables de l’industrie aéronautique tant leurs chaînes d’approvisionnement sont imbriquées.
Le chiffre d’affaires cumulé de l’industrie aérospatiale est d’environ 65 milliards d’euros représentant environ 300 000 emplois directs et indirects. 69 % de l’activité est réalisée dans le secteur civil et 65 % au profit de l’exportation. L’activité civile des sous-traitants est, pour certains, basée à la fois sur le carnet de commandes d’Airbus et sur celui de Boeing. Ce facteur de résilience s’est malheureusement retourné contre les entreprises concernées du fait des déboires de Boeing, qui ont conduit ce dernier à une production presque à l’arrêt.
Après le freinage brutal et l’arrêt, ré-accélération pleins gaz !
La crise sanitaire du COVID a freiné brutalement l’activité de l’industrie aéronautique civile, déclenchant une crise majeure pour l’aviation commerciale. Elle poursuit aujourd’hui encore sa reprise.
La crise du COVID a également généré des difficultés d’approvisionnement, renforcées par les conséquences du conflit en Ukraine (par exemple sur le titane, majoritairement d’origine russe à l’époque). L’industrie fait face à une hausse des coûts des matières premières, associée à une augmentation du coût de l’énergie. Les entreprises connaissent actuellement une forte augmentation du besoin en fonds de roulement.
Sur le plan des ressources humaines, les entreprises peinent désormais à réembaucher. Cette difficulté devient un des facteurs limitants pour le redéveloppement de l’activité.
L’exécution du budget de défense et la progression des livraisons à l’exportation, avec des anticipations de commande de soutien, ont entraîné une augmentation, d’environ 20%, de l’activité militaire dans le secteur aéronautique. Cependant, cette reprise n’est pas homogène pour toutes les sociétés du secteur et le retour à la situation d’avant crise est encore incertain.
Dualité civile et militaire : une résilience sous contraintes
Avant la crise sanitaire, les périodes de forte activité militaire intervenaient de manière contracyclique par rapport à l’activité civile. Le lancement des grands programmes de défense était en effet programmé de préférence pour ne pas coïncider avec celui des grands programmes civils (aucune sérénité donc !)
A contrario, les accélérations de cadence actuellement nécessaires pour la production des matériels de défense coïncident avec le redéveloppement post-COVID de l’activité civile. A cette difficulté s’ajoutent les conséquences des conflits et tensions actuels, notamment en Ukraine, qui nécessitent une forte augmentation de production de certains équipements (missiles en particulier). De nombreux sous-traitants de la filière aéronautiques ayant une activité transverse sont donc soumis à une forte tension sur la chaîne de production.
Les accélérations de cadence actuellement nécessaires pour la production des matériels de défense coïncident avec le redéveloppement post-COVID de l’activité civile.
La DID partenaire de l’industrie aéronautique militaire
La DID tient régulièrement avec les grands maîtres d’œuvre industriels de la BITD des points de situation sur leurs chaînes d’approvisionnement, en parallèle de visites d’entreprises (1000 par an). Ces actions conjuguées affinent sa connaissance de la BITD pour détecter, identifier et traiter les difficultés des entreprises.
Afin d’aider les entreprises de la BITD dans leur remontée en cadence, un programme d’accélération (« accélérateur défense »), opéré par BpiFrance, a été lancé en 2024. Il a été étendu en 2025 au niveau régional dans le cadre des partenariats qui se mettent progressivement en place entre le Ministère des Armées et les Régions. Quatre programmes d’accélération régionaux ont ainsi été lancés.
La DID incite également les entreprises à optimiser leur performance. Le Service de la performance et de la qualité industrielle (SPQI) développe sa capacité interne de diagnostic de performance industrielle. En 2025, un deuxième cycle de diagnostics a été lancé et le suivi des plans d’actions issus du premier cycle de 2024 démarre.
Le positionnement de la DID permet un dialogue en toute transparence avec les MOI. D’abord parce que la DID représente l’État tiers de confiance (et non l’État acheteur), mais aussi parce que la DID détient une connaissance approfondie des chaînes de sous-traitance, (notamment au-delà du rang 2 à partir duquel les MOI ont généralement moins de visibilité). L’ensemble des actions de la DID est donc pleinement complémentaire de celles des MOI, dans le cadre des relations clients-fournisseurs.
Diversification des sources d’approvisionnement
La longue période, antérieure aux crises évoquées précédemment, durant laquelle la priorité était le maintien des compétences avec des rythmes de production maintenus souvent au minimum (souvenons-nous de la cadence de 11 Rafale par an, hypothèse structurante d’élaboration de plusieurs lois de programmation militaire), a conduit à une multiplication des sources uniques dans les chaînes d’approvisionnement de la BITD, rendant de fait critiques les entreprises correspondantes : la filière aéronautique fourmille d’exemples. La nécessité d’accélérer les cadences de production conduit désormais à rechercher des sources complémentaires, pour s’affranchir de goulets d’étranglement. Une nécessité, mais aussi une opportunité pour augmenter la résilience de nos chaînes d’approvisionnement.
La désensibilisation au titane russe en est un bon exemple : elle s’est faite au détriment d’une dépendance auprès de nouveaux acteurs étrangers, États-Unis, Kazakhstan, Japon. Résilience toute relative donc à ce stade. Désormais, l’enjeu pour le ministère est de favoriser l’émergence d’une filière de titane souveraine tout en développant le recyclage des déchets de titane en France et en ayant recours de manière opportune à la fabrication additive, permettant ainsi de consommer la matière au juste besoin tout en réduisant l’empreinte carbone.
Plus globalement, pour contribuer au renforcement d’une BITD résiliente en Europe, c’est la mise en place d’un croisement des chaînes d’approvisionnement (et donc une interdépendance mutuelle) qui sera recherchée. Il donnera lieu à la mise en place d’un partenariat industriel de long terme entre les entreprises concernées qui sera accompagné, si nécessaire, par un accord entre États.

Début de carrière à la DGA dans le domaine terrestre (robotique, radars, lutte conte les IED), il rejoint en 2008 le cabinet du Délégué. Il est ensuite chef de la division missiles à DGA MI puis est nommé attaché de défense adjoint à Washington et Ottawa (non-résident). En 2018, il rejoint, puis dirige, la sous-direction Afrique et Moyen-Orient. En 2024, il est nommé chef du Service des Orientations Industrielles.
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