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02 avril 2015

INTRODUCTION AU DOSSIER ROBOTIQUE

Je garde un souvenir ému de ma première rencontre avec un robot : c’était vers la fin des années 80 dans les locaux de l’ENSTA. Un camarade de promotion, dont je tairai pudiquement le nom mais qui se reconnaîtra peut-être à la lecture de ces lignes, venait de perdre le contrôle de son robot, objet de son option d’enseignement par la recherche, et nous étions trois, à quatre pattes, tentant dangereusement de débrancher l’objet gesticulant au dessus de nous pour mettre fin à la casse grandissante dans le laboratoire d’électronique … Je n’ose imaginer la fin de ce sketch si ce fameux robot avait été alimenté sur batterie …

Cette anecdote aura au moins eu le mérite de me faire concrètement prendre très tôt conscience que même le plus inoffensif projet de robotique peut avoir des retombées conséquentes en cas de perte de maîtrise …

Mais qu’est-ce qu’un robot ?

Abstraction faite de celle du robot culinaire, les définitions du Larousse sont pour le moins multiples, voire contradictoires : Un robot est tout d’abord un « Appareil automatique capable de manipuler des objets ou d’exécuter des opérations selon un programme fixe, modifiable ou adaptable ». Cette acception du terme intègre donc de facto tout automate programmable, quand bien même il serait exempt de toute forme d’intelligence artificielle … Elle s’accorde bien avec l’image classique et péjorative du robot à la mode des « Temps Modernes » où Charlot, transformé en robot, agit de manière automatique et répétitive.

Mais la réalité des robots d’aujourd’hui et de demain est tout autre et se rapproche plus de la première définition du Larousse : «Dans les œuvres de science-fiction, machine à l’aspect humain, capable de se mouvoir, d’exécuter des opérations, de parler ». Et même si l’évolution est lente, la réalité est en train de rallier la fiction : tout comme l’informatique est en train d’offrir un cerveau à l’automatique. Les robots sont désormais des ordinateurs bardés de senseurs pour appréhender leur environnement et d’actionneurs pour interagir avec lui.

Etre ou paraître humain …

Même si l’aspect humain évoqué par le Larousse a nourri bien des œuvres de science fiction ainsi que notre imaginaire collectif, c’est désormais l’être humain que souhaitent simuler nos robots. Il s’agit de les doter d’une autonomie grandissante, qu’il s’agisse d’appréhender un environnement non prédéfini et sans cesse changeant, de décider des meilleures stratégies et plans d’actions pour satisfaire un objectif précis : en fait, de mimer le cerveau humain qui, à partir de ses cinq sens, saura observer et comprendre un environnement, de construire en conséquence plusieurs options afin de satisfaire un objectif, d’en décider une et enfin d’agir pour la concrétiser.

L’intervention humaine dans le contrôle de ces robots devient dès lors de moins en moins prégnante. Les robots pilotés laissent peu à peu place à des machines douées d’autonomie décisionnelle : l’automatique devient indépendante … et peu importe son apparence. Elle peut se vouloir rassurante en simulant l’aspect humain dans son interface homme/machine mais là n’est pas sa principale caractéristique.

L’étape suivante consiste à doter ces machines de la faculté d’apprentissage : le périmètre de l’autonomie se veut alors grandissant et la machine, à l’image des humains, devient peu à peu capable de tirer enseignement de ses expériences passées.

La première partie du magazine s’intéresse à la R&D dans ces domaines : à la fois sur le fond scientifique mais aussi sur les incitations mises en place pour en susciter l’innovation.

L’âme des robots ?

Dès lors que les robots se montrent doués d’autonomie décisionnelle, se posent d’épineuses questions éthiques et juridiques. Derrière les nombreux rôles potentiellement joués par les robots, sans même aller jusqu’aux robots tueurs, se cache un partage des responsabilités de plus en plus délicat à cerner : en cas de bavure, qui est responsable ? Le robot lui-même ? Celui qui s’en sert, celui qui l’a conçu … ?

Comment s’assurer qu’un robot agira en âme et conscience, comment légiférer sur ces questions ? Comme toujours, le progrès technologique en robotique conduit et conduira encore pour de nombreuses années à faire évoluer notre arsenal juridique pour être en mesure, demain, de cadrer l’activité des robots.

La seconde partie du magazine est consacrée à ces questions, avec bien sûr un focus particulier sur l’emploi des robots dans le domaine de l’armement.

Des applications multiples et qui se multiplient …

Comme la lecture de la dernière partie du magazine pourra, je l’espère, vous en convaincre, les applications de la robotique se multiplient autour de nous, de manière continue, pour le meilleur mais pas vraiment encore pour le pire.

Plusieurs articles traitent évidemment des programmes d’armement en cours qui bénéficieront directement des avancées technologiques en matière de robotique.

Chez nos amis anglo-saxons, on a pour habitude de caractériser les cas d’application des robots selon trois catégories, dites des 3 D :

- Dirty : les robots interviennent là où l’homme ne peut travailler, dans le domaine NRBC par exemple ;

- Dull : lorsque les activités sont répétitives, fatigantes et peu gratifiantes, on cherche à substituer l’homme par des robots, notamment dans le domaine de la robotique industrielle par exemple ;

- Dangerous : l’exemple typique de cette catégorie en est le domaine militaire - il est bien évidemment préférable de mettre en danger un drone qu’un pilote et son avion.

Je serais d’ailleurs assez tenté d’y ajouter un quatrième « D » pour intégrer tous les cas où les robots permettent d’intervenir à distance : dans le domaine spatial bien évidemment mais aussi, de plus en plus, dans notre vie quotidienne, grâce à Internet via par exemple les achats à distance qui constituent peu ou prou une forme de robotisation du commerce.

Force est de constater que l’application de la robotique revêt des formes extrêmement variées et qu’elle s’insinue insidieusement  dans nos habitudes : pour ne citer qu’un exemple, la domotique est en train de progressivement transformer nos demeures en robots. Et même si la grande majorité d’entre nous n’a pas encore le sentiment de vivre dans un robot, il suffit pour s’en convaincre de comparer un système d’alarme avec les principes de base de la robotique : des senseurs, une centrale capable d’appeler seule un centre de sécurité en cas d’intrusion, une sirène en guise d’actionneur … Et la capacité d’interagir sur sa maison à distance – via sa box internet – pour surveiller (capteurs de présence, webcams …) et contrôler (prises commandées, volets roulants, chauffage), ne fera que croître et se généraliser.

La peur du robot …

On peut s’interroger enfin sur la fascination qu’exercent les robots sur notre inconscient. Comme souligné dans l’éditorial, il suffit pour s’en convaincre de constater le nombre considérable d’œuvres littéraires et cinématographiques qui traitent du sujet.

La peur d’être supplantés par nos propres créations n’est certainement pas totalement étrangère à cette appréhension latente. Alors que nous nous réjouissons de cette prise de relais par nos propres enfants, le fait même d’imaginer que ces robots puissent leur ravir le pouvoir à terme suscite une crainte viscérale et justifiée.

Même s’il est évident que les robots peuvent réaliser de nombreuses tâches mieux et plus vite que la très grande majorité des humains, même si leur autonomie décisionnelle va croissante, même si leur nombre explose, il n’en demeure pas moins qu’il nous reste encore un rempart rassurant à leur hypothétique domination sur l’homme : ils ne sont jusqu’ici pas très doués dans leur capacité de procréation !

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