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Simulateur NGF lors des essais Dlgation C2
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07 mars 2024

LA SIMULATION, UN OUTIL D’ERGONOMIE PROSPECTIVE

Publié par Gaëlle TROCCAZ (1995) et Agathe Rousselle, ICT | N° 131 - FACTEUR HUMAIN

L’interopérabilité et l’intelligence artificielle (IA) sont en passe de devenir des clefs stratégiques incontournables pour assurer la supériorité opérationnelle. Ce tournant historique, qui touche naturellement l’aéronautique, augmente la complexité des systèmes collaboratifs et nécessite une prise en compte importante des facteurs humains (FH) dans la conception des cockpits du futur. Pour anticiper ces défis et garantir le succès des missions et la sécurité des acteurs, DGA Essais en Vol mise sur la simulation.


Les enjeux des IHM du futur

La capacité de traitement de données offerte par l’IA et l’interopérabilité entre acteurs sur un théâtre d’opération, s’ils sont des éléments déterminants qui permettront d’assurer la souveraineté et la supériorité des futurs systèmes dans le cadre des programmes d’armement, sont également des éléments de complexification de ceux-ci. C’est pourquoi une attention particulière doit être portée à l’intégration de l’humain dans ces systèmes de systèmes : c’est l’objectif des études d’ergonomie prospective. La capacité de contrôle et un degré de compréhension adapté sont fondamentaux pour l’acceptabilité et la confiance des opérateurs et des décideurs militaires dans les nouvelles technologies. Malgré les délégations de tâches et de décisions, la collaboration utilisateur-système doit rester ergonomique à travers des interfaces adaptées. Les pilotes sont ainsi confrontés à une quantité considérable de données en temps réel, ce qui peut impacter une prise de décision rapide et éclairée. L’enjeu est donc de lutter contre la surcharge d’informations (infobésité). Les Interfaces homme-machine (IHM) doivent aussi être d’une flexibilité croissante pour s’intégrer efficacement au sein des cockpits d’aéronefs multirôles et permettre aux pilotes de s’adapter à différentes situations opérationnelles.

Simulateur NGF lors des essais Dlgation C2

Démonstration du simulateur VR avec Thomas Pesquet au salon du Bourget 2023

La simulation à DGA EV

Pour préparer l’avenir, DGA EV s’est dotée de simulateurs dont elle maîtrise l’ensemble de la définition, du code aux interfaces, en passant par la méthodologie d’évaluation : cela rend possible leur adaptation agile et rapide afin d’être au plus près des besoins opérationnels.

Les simulateurs d’étude pilotée sur le site d’Istres permettent d’effectuer des essais d’évaluation de concepts, de systèmes de systèmes et d’IHM. Ils sont également utilisés pourdéterminer la plus-value de nouvelles technologies et aider à définir et à consolider la spécification des fonctions et systèmes du futur.

Ces simulateurs peuvent être interconnectés afin de réaliser des évaluations avec des scénarios complexes et représentatifs des conditions opérationnelles. Ils sont également dotés de différentes liaisons de données qui permettent d’effectuer des essais hybrides (combinant systèmes réels et simulés) avec des aéronefs en vol.

Des simulateurs au profit du SCAF

Parmi ces technologies, le plateau SCAF est le plus récent et regroupe plusieurs simulateurs, dont certains en version « réalité virtuelle » : New Generation Fighter, Remote Carriers (drones), Rafale. Ces systèmes accompagnent le développement du programme depuis son lncement et DGA EV fait évoluer de façon incrémentale leurs capacités pour accompagner son avancée.

Des essais concernant la délégation de responsabilité « Command & Control » (C2) et le contrôle de drones par un aéronef de combat ont été menés en décembre 2022 avec l’ONERA sur ce plateau. Ils ont permis d’étudier l’impact cognitif de cette nouvelle tâche sur la charge de travail des pilotes à l’aide de capteurs cardiologiques et d’un Eyetracker. La poursuite des évaluations doit permettre d’étudier d’autres facteurs comme l’impact du stress ou de la fatigue sur les capacités du pilote. Pour mener à bien ces études, DGA EV fait évoluer de façon continue ses simulateurs et prévoit l’acquisition d’un casque de réalité virtuelle équipé d’une vingtaine de capteurs physiologiques pour être au plus près des standards futurs.

Limites des essais en simulation

Malgré leur représentativité, les simulateurs présentent certaines limitations significatives : la hauteur sol et la vitesse de défilement difficilement appréciables, l’absence de ressenti des accélérations et des vibrations représentatives du vol, rendent le pilotage moins réaliste. À ces défauts s’ajoute la différence de facteurs psychologiques, physiologiques (stress, fatigue, vigilance, désorientation spatiale, etc.) et environnementaux (oxygène, température, bruit, visibilité, etc.) entre un pilotage au simulateur et un vol.

Au-delà du manque de représentativité, la simulation utilisant la réalité virtuelle peut être limitée par des contraintes physiologiques. En effet, les incohérences associées à ce genre d’exposition perturbent le système sensoriel et peuvent conduire à des effets indésirables (fatigue oculaire, nausées, vertiges, maux de tête…). En plus d’être limitantes pour la durée du port du casque, ces contraintes peuvent être la source d’illusions sensorielles et biaiser les résultats.

Malgré ces limites, les essais en simulation restent pertinents à différents stades des programmes. La réalité virtuelle est particulièrement intéressante pour sa flexibilité, notamment en termes d’agencement du cockpit. Plus généralement, pour les facteurs humains, la simulation permet de réaliser des études à des coûts financiers et environnementaux moindre que ceux d’essais en vol. Leur modularité et leur agilité permettent d’évaluer des concepts variés en un temps restreint et d’identifier les points d’attention des IHM qu’il sera nécessaire d’aller évaluer en vol lorsque les technologies seront plus mûres.

La simulation est aussi un outil stratégique pour DGA EV, car elle lui permet d’apporter son expertise au cours de la spécification des futurs systèmes. L’enjeu est d’intervenir au plus tôt dans les phases de conception et de développement pour limiter les coûts et le temps de développement et pour répondre au mieux aux besoins opérationnels. Demain, elle sera également utilisée pour qualifier les nouveaux systèmes et interviendra ainsi durant tout le cycle d’acquisition d’un nouvel équipement.

Photo de l auteur
Gaëlle Troccaz, IA

Diplômée de Polytechnique et de l’ISAE-Supaero (X16, S2020), pilote des corps techniques, elle a débuté sa carrière à DGA Essais en Vol en tant qu’ingénieure d’essais simulateur hélicoptère Tigre avant de prendre les fonctions de Responsable Technique Essais Expertise NH90.

Photo de l auteur
Agathe Rousselle, ICT

Diplômée de l’école d’ingénieurs ELISA Aerospace, titulaire du mastère spécialisé « Aéronautique et ingénierie des essais en vol » (TAS AERO FTE) et du certificat « Facteurs Humains et Neuro-ergonomie pour l’Aéronautique et les Transports » de l’ISAE Supaero, elle débute sa carrière à DGA Essais en vol en tant que Responsable Technique d’Essais Système Drone.

Auteurs

Agathe Rousselle, ICT

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