

STEPHEN MARCHISIO, IGA
AMBASSADEUR DE FRANCE À SINGAPOUR
La CAIA : Peux-tu raconter ton parcours en quelques lignes ?
Stephen Marchisio : Mon parcours s’est de fait divisé en deux parties en apparence assez distinctes mais qui sont en réalité marquées par des liens très étroits entre mon temps au ministère des Armées et mes années au ministère des Affaires étrangères.
J’ai d’abord commencé sur un parcours d’expertise technique assez classique, à l’époque à Bourges, puis j’ai rejoint les services de programmes à Paris, dans la foulée devenus les UM, pour de la conduite de programme sur le AASM que j’ai rejoint au moment où allaient débuter les premiers essais en vol et que j’ai quitté 4 ans plus tard, au moment du premier déploiement opérationnel. Après les programmes, j’ai rejoint le volet international, comme chef de cabinet du directeur international.
Ce passage à la DI est ce qui crée l’ouverture, dans mon esprit mais aussi parce qu’une opportunité se présente, vers le MAE que je rejoins en 2010, au départ pour 3 ans. In fine, j’y suis encore. Après un parcours orienté diplomatie économique comme chef de bureau puis sous-directeur, je rejoins la filière politique des directions géographiques, d’abord comme directeur adjoint sur la zone d’Europe continentale avec la question centrale de la Russie et de ce qui n’est pas encore la guerre en Ukraine. Dans un second temps, comme directeur adjoint sur l’Asie-Océanie, une région qui est et sera au cœur de la croissance économique, de l’évolution démographique mondiale et de la montée des tensions sur fond de compétition sino-américaine.
Ces dernières années, j’ai également connu des expériences de nature plus politique avec des passages au cabinet du Premier ministre. D’abord avec Edouard Philippe, en 2017, comme conseiller sur les affaires stratégiques à la cellule diplomatique, un poste orienté sur les questions régaliennes comme la préparation des conseils de sécurité et de défense nationale, le contrôle des ventes d’armes, le nucléaire civil. Ensuite, en 2023 comme conseiller diplomatique d’Elisabeth Borne puis de Gabriel Attal.
La CAIA : Pourquoi Singapour ?
SM : Ces dernières années, j’ai plongé dans les enjeux de l’Asie, que j’avais déjà longuement approchés à la DGA à travers le prisme de nos grandes coopérations industrielles sur l’armement. A Matignon, nous avons dû coordonner la préparation de la stratégie Indopacifique que le Président de la République avait lancée dès ses discours de 2018, en Inde et en Australie. Mon passage à la direction d’Asie-Océanie m’a ensuite permis d’être au cœur de la préparation de notre politique sur la région, au croisement d’intérêts, d’opportunités mais aussi de risques dont nous mesurons collectivement la portée, dans toutes les dimensions : politique, économique, géostratégique et sécuritaire.
Au moment de me projeter vers un éventuel poste à l’étranger, l’Asie était une possibilité naturelle et Singapour est l’exégèse parfaite des enjeux de la France en Asie. La confiance qui m’a été donnée par nos autorités m’engage et nous mettons tout en œuvre avec l’ensemble de l’ambassade pour y répondre.
Première prise de parole dans les jardins de l’ambassade de France à Singapour
La CAIA : Quels sont les principaux enjeux de la relation bilatérale franco-singapourienne ?
SM : Le spectre de la coopération est d’une largeur relativement unique. Nous célébrons en 2025 les 60 ans des relations diplomatiques entre la France et Singapour et d’un partenariat exceptionnel, qui s’est construit sur la confiance.
Cette confiance, on la retrouve dans toutes nos coopérations :
Sur le plan politique, la relation a toujours été très étroite et le Président de la République se rendra à Singapour pour le Shangri-La dialogue, qui est le grand forum de sécurité en Asie, le seul forum où les ministres de la défense chinois et américain se rencontrent ; Le Chef de l’Etat est le premier dirigeant européen, et même du P5, à être invité pour le discours d’ouverture du forum. C’est un signal important sur le plan diplomatique.
En termes stratégiques, la Cité-Etat est un point d’appui essentiel pour nos forces armées même si nous n’avons pas de forces prépositionnées à Singapour. Le porte-avions y passera avec le GAN à l’occasion de son déploiement en Asie pour l’opération Clémenceau.
En ce qui concerne nos enjeux économiques : Singapour, c’est près de 950 entreprises françaises présentes, y compris dans une approche régionale Asie du Sud-Est et Pacifique, la plus grande French Tech au monde et un des piliers des technologies émergentes avec qui nous coopérons étroitement ; plus largement, l’Asie du Sud-Est a été la première zone de reprise économique au monde après le COVID et Singapour est désormais le 3ème pays au monde en termes de PIB par habitant. Le potentiel est massif.
Sur les questions culturelles aussi bien que d’échanges en matière d’enseignement et de recherche, la coopération est très étroite entre nos organismes de recherche, nos universités. Nous devons pousser les feux sur l’attractivité de la France pour les étudiants Singapouriens mais nos grandes écoles, Sciences Po, l’X sont parfaitement identifiées.
La CAIA : Dans quelle mesure ton parcours à la DGA et au sein de l'administration plus généralement t'a-t-il permis de te préparer pour ce poste ?
SM : Sans l’avoir réellement anticipé, j’ai suivi un parcours qui m’a permis d’associer du management d’équipes avec la compréhension d’enjeux de nature politique. A la DGA, j’ai tout autant appris l’importance de l’expertise technique, que la réactivité et le respect des échéances. Comme chef de cabinet du directeur international, j’ai appris le besoin d’être synthétique, sans déformer pour autant la réalité, ce qui m’aura été très utile pour mon parcours au MAE, puis à Matignon.
En tant qu’ambassadeur, venant de prendre mes fonctions à Singapour, c’est la boîte à outils de ces années au Min ARM et au MEAE sur laquelle je m’appuie. Il faut incarner la fonction vis-à-vis de nos interlocuteurs mais c’est nécessairement un travail d’équipe. De la même manière, il est nécessaire de pousser les feux pour faire avancer la relation franco-singapourienne selon les lignes directrices de nos autorités, tout en respectant les nécessaires contraintes des administrations qui sont à 10 000 km. La priorité de Singapour dans nos partenariats est, de ce point de vue, un atout incontestable.
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