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Un homme aux multiples vies
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28 mars 2023

ALEX FABAREZ, UN AMI TRÈS CHER

Notre magazine avait relaté dans son numéro n° 58 datant de 2005 les « six secrets d’Alex Fabarez ». Un an après son décès, parmi les nombreux témoignages et hommages pour son parcours hors normes, nous avons souhaité publier celui de Jacques Grossi, IGA, à « un ami très cher. »


Cet ami Alex, tel est son prénom, a été pour moi un vieux compagnon depuis notre rencontre à Brest en 1968.

Fils d’immigré espagnol, qui s’était installé près d’Angoulême comme paysan, Alex fut remarqué par son instituteur, véritable hussard noir de la République qui, après lui avoir fait passer le certificat d’études, l’orienta vers le concours d’entrée de l’école de formation technique (EFT) de l’établissement de Ruelle qui appartenait à la DCN. Voici donc Alex apprenti, dans un milieu inconnu pour lui, et ses camarades le surnommèrent le pouilleux… Malgré cela Alex sortit brillamment en tête de l’école et, grâce au système de promotion sociale de la DCN se retrouva bientôt après concours à ce qui est devenu l’ENSTA en Bretagne, d’où il sortit toujours major comme ingénieur de direction de travaux, comme on disait à l’époque. Avec ce titre de major il put intégrer l’ENSGM (Ecole Nationale du Génie Maritime) à Paris et le voilà devenu ingénieur du génie maritime, ce qui s’appelle aujourd’hui ingénieur de l’armement. Pour quelqu’un qui n’avait comme diplôme que le certificat d’étude ce n’est déjà pas mal.

Mais les qualités d’Alex se révélèrent dans sa carrière professionnelle. C’était un passionné et un curieux toujours avide de comprendre. Il se passionna pour l’aéronavale et à ce titre il apprit le pilotage qu’il pratiqua jusqu’à la soixantaine et s’intéressa aux Porte-avions, dont il est devenu le spécialiste reconnu en France et ailleurs (Le Foch par exemple, dont il fut ingénieur chargé de l’entretien à Brest, a vu Alex le conduire et le couver au Brésil, pays qui a acheté ce navire après sa carrière française(1)).

Très vite Alex fut apprécié a la fois par la DCN et par la Marine. Il avait en outre l’art de nouer des relations pérennes. Sa carrière fut rapide et brillante. Il se trouve que pendant 6 ans nous fûmes très proches professionnellement. Plus qu’un collaborateur, mot que je déteste, il fut pratiquement un alter ego qui a su dégager pour moi le temps nécessaire à la conduite des affaires. Dévoué, fidèle et efficace il a su s’imposer en douceur à la hiérarchie. Il est arrivé au sommet en devenant responsable du plus grand programme de la défense (70 milliards de francs) : la construction des SNLE du type Triomphant.

Et le pouilleux de Ruelle finit avec 3 étoiles, d’énormes responsabilités et officier de la Légion d’Honneur. Mais Alex ne pouvait s’empêcher de travailler. Il avait commencé à 15 ans, il continua jusqu’à 70 ans. France Soir d’ailleurs consacra un article à sa carrière hors norme.

Alex dans la vie courante avait les mêmes qualités : compétence, dévouement et volonté. Il était un touche-à-tout de génie, sa curiosité était insatiable. Deux exemples : Claudette sa chérie ayant été hospitalisée assez longuement, Alex se mit a faire la cuisine pour lui d’abord puis pour la famille et les amis. En moins d’un mois il m’a régalé d’un navarin qui était devenu pour nos déjeuners mon plat préféré. Je l’avais initié en quelque sorte au cyclisme, plutôt au cyclotourisme. Dans les années 80 nous sortions a vélo les week-end. Au début des années 2000 j’ai abandonné cette activité, Alex, lui, a continué et, soignant de mieux en mieux son matériel, il a fini par grimper les cols pyrénéens (les Pyrénées étaient sa passion) et in fine… le Ventoux !

Alex a été frappé en 2018 par la maladie de Charcot, terrible maladie de la dégénérescence qui peu à peu le privait de ses facultés physiques. Mais son esprit vif et curieux était toujours présent. Il s’était fabriqué une prothèse pour taper ses messages ou ses mails. Il envoyait souvent des pièces jointes sur des sujets comme le salaire des footeux ou encore les pièces de Shakespeare à la mode Covid… Un jour, j’ai envoyé la photo du magnolia en fleur appelant à l’espoir. Il a été le premier à me répondre ; « c’est beau » écrivait-il et le lendemain il est mort... Alex était extrêmement engagé et fier de son appartenance au corps du GM. Il reste pour tous ceux qui l’ont croisé un exemple inspirant, et pour moi le regret de ne plus pouvoir l’entendre. Adieu l’ami.

1 : L’ex Foch a été coulé par la marine brésilienne le 3 février 2023. Alex en aurait été ému.

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