

INGÉNIEUR PARACHUTISTE DE L’ARMEMENT
De ses premiers sauts à l'École des Troupes Aéroportées de Pau à la direction d'IrvinGQ France, Bruno nous propose une plongée dans la passion du parachutisme. À travers ses expériences, il explore les liens entre sa carrière d’ingénieur de l’armement et ses contributions au parachutisme sportif et technologique.
Premiers sauts
Octobre 1797, André-Jacque Garnerin s’élève dans le ciel parisien à l’aide d’un ballon sous lequel est suspendue une demi-sphère en soie de 7 m de diamètre et une nacelle. Pendant la montée, il coupe la liaison avec le ballon. La pièce de soie se gonfle, freinant la descente de la nacelle qui se pose dans la plaine de Monceau. André-Jacques Garnerin devient ainsi le premier parachutiste de l’histoire.
Avril 1919, Leslie Irvin saute d’un avion et commande l’ouverture de son parachute quelques secondes plus tard. Il devient ainsi le premier chuteur de l’Histoire.
Décembre 1989, je découvre l’École des Troupes Aéroportées de Pau, creuset des parachutistes militaires. Tests physiques, formation au sol, puis vient l’heure du premier saut. Plus haut gradé du stage, je suis en tête de câble. Après quelques minutes de vol, les largueurs nous font lever. La porte s’ouvre, je me mets en position et je vois le sol défiler pendant que le C160 s’approche de la zone de saut. Au vert, la sirène retentit, le largueur me crie « OK » et je saute. Tout s’enchaîne très vite : ouverture du parachute, vérification de coupole, tour d’horizon sans trop profiter du paysage car le sol se rapproche déjà, prise de position, impact. Pour le roulé-boulé académique, on verra une autre fois.
Quelques jours plus tard, j’obtiendrai le brevet de parachutiste militaire n° 545 925. Contrairement à mes illustres prédécesseurs, je ne rentrerai pas dans l’Histoire, juste dans mon histoire parachutiste au cours de laquelle vie professionnelle et vie personnelle seront entremêlées.
Découverte de la chute libre
Au printemps suivant, je découvre la chute libre au cours d’un stage de Progression Accélérée en Chute. C’est effectivement accéléré : arrivée au para-club le matin, formation théorique, passage au harnais, leçon de pliage, déjeuner et on s’équipe pour le premier saut.
L’avion monte jusqu’à une hauteur de 3 500 m. Je m’installe à la porte, encadré par mes deux instructeurs. Un dernier regard et je m’extrais de l’avion. Mais là, ça cafouille. Submergé par les émotions, mon cerveau fonctionne au ralenti. Je crois dérouler le programme du saut jusqu’à la commande d’ouverture de mon parachute, mais une fois sous voile, je réalise que je n’ai pas de poignée dans la main. La descente et l’atterrissage se passent bien et, au sol, un de mes instructeurs m’attend en jouant … avec ma poignée.
Au cours de la soirée, je refais ce saut en pensée un nombre incalculable de fois, afin de reconstituer ces quelques dizaines de secondes et comprendre ma défaillance. Il faut croire que j’y suis arrivé car les six sauts suivants de la progression s’enchaînent bien et dès la fin de la semaine, je saute en solo.
En y repensant, cet échec m’aura permis de développer une méthode de travail. L’art du parachute s’apprend sur le tas à force d’observations, d’analyses et d’échanges, sans oublier une dose de bon sens et une autre d’envie. Rigueur et précision sont des règles absolues. Dans le doute, on ne compte pas sur la chance, on refait. Pour autant, la certitude n’est jamais acquise ; quelques trous sur la zone de largage de Fonsorbes sont là pour le rappeler.
Pendant des années, je vais donc apprendre. Les techniques militaires tout d’abord : largage de personnels et largage de matériels, puis la chute opérationnelle. Je finis ce dernier stage épuisé, mais quelle expérience et quelle fierté de recevoir le brevet aux 5 étoiles.
En parallèle, je continue à pratiquer le parachutisme sportif au travers de disciplines traditionnelles telles que la voltige ou le vol relatif. Sans jamais avoir le niveau d’un compétiteur, j’acquiers suffisamment d’aisance pour contribuer activement aux essais de nouveaux équipements.
C’est également grâce à cette complémentarité entre le monde civil et le monde militaire que le premier parachute « hybride » verra le jour, avec le soutien de la Mission Innovation. En combinant les technologies du parachute et du parapente, la finesse du prototype réalisé est supérieure de 50 % à celle des parachutes du moment.
Suite et pas encore fin
Dix ans se sont écoulés et la DRH me montre la direction des services de programmes. Après avoir joué les prolongations au groupement « Aéroportés » de la STAT, je rejoins Balard, persuadé d’avoir tiré un trait sur ma vie de parachutiste. S’en suivent quelques années d’activités plus classiques, sans être moins exaltantes.
Je prends ensuite la direction du programme A400M à l’OCCAR et là, je replonge dans le parachutisme. En effet, Tom Enders, alors président d’Airbus, avait demandé à ses équipes de conduire les essais en vol afin de lui permettre de sauter de cet avion avant la fin de l’année 2010. En milieu d’année, l’objectif est affiché : un saut le 13 novembre à Séville. J’en serai, il me reste deux mois pour me remettre au niveau après dix ans d’interruption.
Je retrouve le chemin des para-clubs, l’ambiance des avions et les « débriefs » des sauts plus ou moins ratés. Je découvre les nouvelles et incroyables disciplines pratiquées par une nouvelle génération de parachutistes. Je réalise combien ce monde m’a manqué.
Au matin du 13 novembre, je retrouve le groupe des parachutistes « Airbusiens » et l’équipage de l’A400M pour le briefing. La journée est parfaite et tout se déroule comme prévu. Avec une belle photo souvenir qui sera reprise par de nombreux médias.
L’impact de cet évènement interviendra deux ans plus tard, alors que je commence à préparer mon départ de l’OCCAR. Je suis alors contacté par un groupe anglo-saxon qui recherche un ingénieur connaissant les avions, les parachutes et la DGA, afin de créer, en France, une société dont la mission première sera d’accompagner la livraison du parc de l’Ensemble de Parachutage du Combattant, dans le cadre d’un marché gagné quelques mois auparavant. Et plus si affinités. J’ai deux jours pour répondre, il me faudra deux minutes.
Cela fait plus de onze ans maintenant que je dirige IrvinGQ France. Après des débuts hésitants, la société a su élargir l’éventail de ses activités et est devenue un partenaire de référence du Ministère des Armées, mais pas seulement. D’autres utilisateurs du parachute lui ont déjà fait confiance et parfois même, il lui arrive d’intervenir à l’extérieur des frontières hexagonales. Pour autant, rien n’est jamais acquis pour une petite entreprise et il y a des jours où je me demande ce que je suis venu faire dans cette galère.
Mais quand la porte s’ouvre et que je vois le sol défiler pendant que l’avion se rapproche de la zone de saut, je me dis que, finalement, il doit y avoir pire comme métier.
Atterrissage contrôlé en parachute – aile

Expert en largage et en parachutage
Manager du programme M51
Sous-directeur des achats du SMA/SIAé puis SDT de l’AIA de Clermond-Ferrand
Manager du programme A400M à l’OCCAR
DG d’IrvinGQ France
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