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Position d'étude en soufflerie.
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25 janvier 2025

ACTIVITÉ ET INSPIRATION
POUR L’INNOVATION DE DÉFENSE

Oui le sport est un sujet d’intérêt pour l’Agence de l’innovation de défense (AID). Un peu pour la contribution qu’il apporte à la bonne santé des personnels de l’agence et à la cohésion interne. Quelle fierté de voir 3 équipes de l’AID, soit 15 % des personnels, courir le marathon Ekiden de Paris un dimanche de vacances en novembre dernier. Y a-t-il une meilleure preuve de la bonne tenue du climat interne ? Mais aussi sous un angle professionnel comme un contributeur aux objectifs de l’Agence.


S’inspirer des bonnes pratiques

S’ouvrir aux pratiques d’autres secteurs que la défense en matière d’innovation et de développement de concepts fait partie des méthodes mises en œuvre pour s’interroger et s’améliorer, y compris des secteurs très éloignés. L’industrie du sport ne fera jamais partie de la BITD mais ses démarches méritent d’être analysées en termes d’innovation. C’est dans cet état d’esprit qu’après des learning expeditions dans l’industrie du cosmétique et du pneumatique, les équipes de l’AID sont allées à la rencontre des équipes et moyens de développement et d’innovation d’un géant de l’équipement sportif. Elles y ont découvert une logique de bout en bout rendue possible par une maîtrise permanente des données et des informations. La remontée des informations se fait par le suivi permanent des ventes et par l’exploitation systématique des retours clients. Ce RETEX est précis et il arrive rapidement aux équipes de projet.

Le cycle de vie d’un produit est très dynamique : cycles courts entre conception, tests, mise en rayon et retrait de la vente. Et tout au long du cycle de vie d’un produit, les décisions d’adaptation, voire d’abandon, sont possibles.

Un bureau d’études accompagne les projets de l’idéation jusqu’à l’industrialisation.

Les équipes chargées de l’innovation s’appuient sur des techniques d’idéation très variées, et disposent de capacités de type fablab pour maquetter facilement et évaluer assez tôt les modalités d’industrialisation.

Ces constats sont inspirants dans le contexte d’agilité et de réduction des cycles d’adoption des technologies auquel nous devons faire face. Le parallèle avec le rythme auquel les équipements évoluent sur le théâtre ukrainien grâce notamment à un retour d’informations très bien organisé et très efficace entre les opérationnels et l’industrie ne peut que nous inciter à organiser dans notre domaine cette optimisation du cycle de l’information.

D’autres constats doivent nous interpeller. Ainsi, si des praticiens des différentes disciplines participent à l’idéation, ils n’ont pas la voix majoritaire dans les discussions. Cela permet de ne pas proposer « une tente, mais en mieux » et d’imaginer plutôt la « tente pop-up » que personne n’avait réclamée auparavant. Une autre méthode remarquable est celle de la « promesse rêvée », qui consiste à faire dessiner par un designer, très tôt dans la démarche d’innovation, non la solution à imaginer mais la problématique à laquelle répondre. Cette promesse rêvée est relue régulièrement pendant toute la phase de conception et de finalisation.

Bien sûr, ces pratiques, ce modèle, trouveront des limites dans notre secteur, mais sachons les identifier et être ouverts aux bonnes idées pour faire évoluer nos méthodes, au moins dans la phase d’idéation.

 

Préparation de l’équipe de France militaire de bobsleigh avant des essais en soufflerie

Préparation de l’équipe de France militaire de bobsleigh avant des essais en soufflerie

Soutenir des projets au profit de nos armées

Dans le domaine du sport, l’Agence est aussi à l’œuvre dans ses modes d’actions plus classiques, c’est-à-dire en soutenant des projets. Lors du dernier Forum Innovation Défense, en novembre 2023, Christophe Clanet, physicien, directeur de recherche au CNRS et professeur à l’École polytechnique, était venu présenter le projet Sciences 2024 lors d’une conférence intitulée « Sciences, champions sportifs et armées » : un projet de recherche visant à rapprocher scientifiques et sportifs pour optimiser les performances des athlètes tricolores et contribuer à leur succès aux Jeux olympiques et paralympiques. Et ce n’est un secret pour personne, nombre de ces athlètes sont des militaires appartenant à l’Armée de champions. Il était donc tout naturel que l’AID mette en avant cette initiative mais aussi qu’elle soutienne certaines recherches. Et l’histoire ne doit pas s’arrêter en 2024.

C’est ainsi que, depuis octobre 2023, un projet scientifique ambitieux accompagne l'équipe de France féminine dans sa préparation pour les Jeux Olympiques de Milan 2026. Encadrée par Christophe Clanet, la thèse de Samy Ben Hamoudi financée par l’AID vise à optimiser chaque paramètre influençant la performance.

L’équipe de France féminine de bobsleigh composée de Margot Boch et Carla Sénéchal, respectivement soldat de 1ʳᵉ classe et caporal dans l’armée des Champions, a marqué l'histoire en devenant le premier équipage féminin français à concourir en bob à deux lors des jeux olympiques d'hiver de Pékin en 2022. Si on se réfère aux résultats de Pékin, gagner une seconde sur une manche qui se joue autour de la minute permet de gagner 12 places au classement. L’objectif est donc de mêler la recherche en biomécanique, aérodynamique et simulation numérique pour gagner de précieux centièmes de seconde en optimisant la phase de poussée, la traînée, le pilotage pour gagner ces places à Milan en 2026.

Modélisation de la position de l’équipage en soufflerie

Innover c’est aussi explorer.

Innover c’est aussi explorer des solutions, des concepts qui peuvent présenter des intérêts pour nos forces armées. Et là aussi, le sport n’est pas à négliger.

L’E-sport (jeu vidéo de compétition pour l’Académie Française) est reconnu comme une discipline sportive à part entière dont les compétitions suscitent désormais un intérêt planétaire. L’AID a soutenu dès 2021 les initiatives autour de l’esport. Outre la reconnaissance d’une pratique courante chez nos personnels et dans la société civile, il s’agissait d’exploiter un vecteur de lien Armée-Nation, particulièrement avec la jeunesse, mais surtout d’utiliser le potentiel de cette pratique comme vecteur d’innovation. Les utilisateurs de nos systèmes complexes ne doivent-ils pas disposer des mêmes qualités ou compétences que les champions d’esport ? Les outils de l’esport ne peuvent-ils pas faire l’objet d’un détournement d’usage et être utilisés pour la formation ? La situation de charge cognitive d’un champion d’esport ne se rapproche-t-elle pas de celle de certains de nos équipages ?

S’inspirer, soutenir, explorer, le sport a beaucoup à offrir à nos forces armées, et bien au-delà de l’Armée de champions.

Photo de l auteur
Patrick Aufort, IGA, Directeur de l’Agence de l’Innovation de Défense

Patrick Aufort débute dans la guerre électronique et l’architecture des avions de missions. Après des postes de manager d’opérations d’armement (SCCOA, ATL2), il encadre le segment avions de missions. Il poursuit comme directeur de DGA Essais propulseurs puis DGA Ingénierie des projets. Il rejoint l’AID en octobre 2020 et en devient directeur en mars 2023.

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