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La dimension « human » d’un skipper
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06 janvier 2025

« UNE AVENTURE INCROYABLE, PRESQUE UNE FOLIE »
INTERVIEW D’ANTOINE CORNIC, SEUL À BORD DE HUMAN IMMOBILIER, PEU APRÈS LE CAP HORN

La CAIA : Qu’est-ce qui t’a poussé à t’engager dans ce Vendée Globe ?

Cette aventure a toujours été un de mes rêves de gosse. J'ai commencé par la mini Transat, à 21 ans. Ensuite, j'ai fait plein de métiers, du judo, du rugby, un restaurant, …, et je n'y pensais plus. En 2017, je suis reparti faire une mini-transat et j'ai su qu'il fallait que je fasse tout pour finir cette histoire, faire le Vendée Globe.

Tenter de gagner le Vendée Globe aujourd'hui, c’est beaucoup d'argent, des grosses équipes pour gérer les nouveaux bateaux et de l'ingénierie avancée, comme la fibre optique dans les pièces en carbone.

Moi, je le vis plutôt du côté aventurier. Mon projet est plus petit, très humain. J’ai le bateau le plus ancien de la course, le plus petit budget. Mais c'est un engagement à 100 %, et ça reste du haut niveau. Nous étions seulement 40 au départ, il ne faut pas l'oublier.

C'est une grosse aventure de passer autant de temps seul en mer et de faire le tour de la planète. Il faut être prêt physiquement, mentalement et techniquement. Si tu n'es pas prêt, tu abandonnes.

La CAIA : Tu as vendu ton restaurant, tout mis dans ce projet. Cela fait-il partie de l’esprit d’aventure ?

Pour moi, c'est une course sans filet. J'ai mis 20 ans à la préparer et je ne pensais pas que ce serait aussi difficile. Je parle des 4 ans de préparation, avec les évolutions de la classe IMOCA, les courses. Cela a représenté énormément de travail. Honnêtement, je pensais que ce serait plus cool que de gérer un restaurant, mais non !

Cet engagement est total, que ce soit financier ou personnel. Nous sommes une petite équipe de 5 personnes et on n’a pas beaucoup eu de repos, même si parfois, on s’autorisait à prendre un week-end avec l'équipe.

Je remercie ma famille, ma femme et mes enfants de m'avoir soutenu et suivi dans cette aventure – ou ce délire – du Vendée Globe. Un grand bisou à eux.

La CAIA : Tu montres beaucoup de sincérité dans tes vidéos. De la joie au désarroi, tu communiques tes émotions. Comment se passe cette grande course en solitaire ?

Je suis entier, humain, et j'essaie de partager mon aventure avec le plus grand nombre possible, d'être accessible. Il faut montrer et expliquer ce qui se passe sur nos bateaux, car peu de gens se rendent compte de ce que nous vivons. Passer presque 100 jours seul en mer, c’est une aventure incroyable – presque une folie.

Nous avons tous nos galères, c'est comme un Paris-Dakar qui ne s'arrêterait jamais. Mon rail de mât a été arraché, une cloison en carbone est cassée et il ne me reste que 200 grammes de résine pour finir le tour. Je n'ai pas envie qu'on me plaigne, je veux juste que les gens comprennent que c'est un engagement de tous les jours sur le bateau. La moindre cacahuète peut vite devenir un enfer si on ne la règle pas au plus vite. Parfois il n'y a pas le temps de filmer : lorsque j'ai cassé ma première voile dans l’Indien, c'était hyper impressionnant, mais le risque de démâtage était trop grand. Priorité au bateau.

La CAIA : Comment envisages-tu l’atterrissage ?

C'était vital d'aller au bout de ce projet, et j'y suis quasiment. Il me reste encore trois semaines de mer, et on verra bien ce qui se passe.

C'est une épreuve physique, et aussi mentale. Actuellement, je suis dans une pétole, une bulle au large du Brésil, et parfois, j'ai juste envie de tout jeter par terre. Je râle, je peste, et j'essaie de m'en sortir au plus vite.

En arrivant aux Sables d’Olonne, nous serons 165 à avoir bouclé le Vendée Globe, à comparer aux 636 qui sont allés dans l’espace, et j'aurai été au bout de quelque chose d'hyper important dans ma vie

J'aimerais bien qu'il y en ait un deuxième, mais si ce n'est pas le cas, ce n'est pas grave. J'ai plein d'idées et de projets avec ma femme.

Je vais rentrer à terre, retrouver un peu de sérénité, voir avec mes partenaires si on repart sur une aventure, et la monter différemment, plus sportive, ouvrir un nouveau chapitre !

Auteur

Rédacteur en chef du magazine des ingénieurs de l'Armement.
Coach professionnel certifié et accrédité "master practitioner" par l'EMCC.
Fondateur de Blue Work Partners SAS qui propose :<br>
- Formation au leadership
- Coaching de dirigeants
- Accompagnement d'équipes projets
X84, ENSTA, coach certifié IFOD,
Auteur du guide de survie du chef de projet (Dunod 2017).
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